elle avait eu raison, sid. je n'étais plus le même. mais, je me sentais confortable, dans cet état d'âme. j'avais cette sensation, que ce n'était pas possible que de tomber plus bas. que ce n'était pas possible de vivre quelque chose de plus douloureux. vous allez m'dire, mais si, il y a quelque chose de plus douloureux. la mort de celle que tu aimes. eh bien, non. c'qui est plus douloureux, c'est de ne pas savoir comment faire pour rendre ses dernières années plus belles. c'est de ne pas savoir se relever, pas même pour cette personne qui vaut plus que tout l'or du monde. voilà maintenant plus ou moins deux mois, que j'avais oublié comment vivre. comment être moi. comme réagir, comment aimer le hockey, comment faire à manger, comment bouger. comment aller à l'école, comment ne pas arriver en retard au boulot, comment sourire, comment rire, mais surtout, comment prendre soin de sid. comment lui dire, que je l'aime. la serrer, l'embrasser, lui souhaiter une bonne nuit. je ne pouvais même pas dire à quand remontait la dernière fois que j'avais posé mes lèvres sur les siennes de mon propre gré. j'suis sur un banc de parc. le temps qui passe est ironiquement pour moi une source de réconfort. les gens disent qu'un jour, ça ira mieux. je t'attends.  

tu fais quoi, shane? j'attends. et puis elle, elle t'attendrait pas, par hasard? j'ai cette sensation soudaine de réaliser quelque chose. quelque chose d'important. je me lève, puis marche. tu lui as dit, que tu ferais tout pour elle. que tu l'épouserais. que tu l'aimerais, jusqu'au dernier jour, puisqu'elle est tienne. sid, elle n'a pas cette chance qu'est d'attendre une promesse toute une vie. des promesses. elle n'a pas le temps de t'attendre, shane. j'ouvre la porte de l'appartement, sid y est. j'improvise un sourire, qui se veut difficilement sincère. c'est l'effort qui compte, à ce qu'on dit. je m'approche tranquillement d'elle. un peu plus près, encore. pardonne-moi, pour mes cernes. mon corps, maigre. mon visage, gris. pardonne-moi, d'avoir laissé mes couleurs de côté. pardonne-moi, de t'avoir laissé de côté. « je t'aime beaucoup. » même si je ne le démontre pas. démontre-le, shane. là, maintenant, avant qu'elle ne se tanne et qu'elle te quitte, comme tu t'es quitté toi-même. alors, je glisse mes doigts contre sa joue. puis, mes lèvres contre les siennes. « beaucoup. » 

il m'aime, je ne le sens plus, je ne le sens plus dans ses yeux, ni de ses mains. alors qu'il m'embrasse, j'ai l'impression de ne rien ressentir, j'ai l'impression d'embrasser un mort, d'embrasser un disparu, un naufragé, un autre homme. qu'il revienne, qu'il cogne à cette porte, qu'il m'embrasse comme il m'embrassait, que je vois cette lumière qui explose de ses yeux, qui m'emballent, qui me serrent dans ses bras. son rire raisonnant. je t'ai perdu loin dans le ciel, tu es partie rejoindre callie, shane. tu m'as oublié. je suis en train de nous oublier. et pourtant, la petite soeur, le petit frère de callie se trouve dans ce ventre, il se cache de toi, il se cache de peur de ne pas être aimé. je suis partie un jour, mes lèvres ont trompés les tiennes, je suis partie dans les bras d'un autre garçon, d'une autre âme, car la tienne, je ne la trouve plus. je me détache de lui, je me détache de sa main contre ma joue, on meurt shane, notre amour meurt, il s'en va.

pourquoi m'embrasses-tu ?

je suis froide, je meurs moi aussi, je meurs de tout ça. les larmes coulent sur mes joues, ce n'est pas nouveau, je pleure tous les jours depuis deux mois, je pleure pour callie, je pleure pour shane, je pleure pour mon erreur et je pleure pour ce bébé. je m'éloigne de lui, je vais plus loin, prendre une respiration. comment ? pourquoi ? quand ? maintenant.

je t'ai trompé.

avec celui que tu t'es battu, on s'est parlé, on s'est embrassé, on s'est quitté et aujourd'hui, je me déteste. je suis tombée si bas, au point de tromper celui que j'aime, au point de me perdre moi aussi dans un endroit que je connais pas, dans un endroit qui me fait peur, où je ne trouve plus personne, je suis tombée dans le noir. c'est pire que mourir shane, c'est pire qu'apprendre la mort. je me laisse tomber, j'aimerais que ça soit dans les abîmes, c'est seulement une chaise en bois, une chaise qui se trouve en face de lui, j'affronte son regard, j'affronte la haine d'un coeur. je vais le perdre, je le sais.

elle pleure, encore. c'est de ta faute, encore. je voulais bien faire. je voulais me racheter, en quelque sorte. lui montrer, que je l'aime toujours. malgré les apparences. peut-être bien faudrait-il que je commence par être heureux. par redevenir shane. celui dont elle est amoureuse. « parce que je t'aime encore, sid. » pas très convainquant. ceci-dit, avec l'allure que j'ai actuellement, rien ne serait en mesure de me rendre convainquant. j'ai l'impression de me réveiller d'un coma, d'un long coma. « je vais faire des efforts. » des efforts, beaucoup d'efforts, pour me réveiller. « j'sais que j'ai perdu beaucoup de temps. que je n'ai pas été à la hauteur. que je n'ai pas été là, tout simplement. » mon coeur bat si vite, soudainement. « je ne me supporte plus. j'imagine que tu ne me supportes plus. je veux me retrouver, sid. et je vais le faire. c'est une vraie promesse. » c'est un énorme engagement. mais à quoi bon, de ne pas tout donner.

puis, elle me dit. comment réagir. je suis juste figé, comme de la glace. je croyais si fort que ce n'était pas possible que de tomber plus bas. je veux partir, à l'autre bout du monde. en même temps, je m'attendais à quoi? à ce qu'elle me saute dans les bras? la vérité, c'est que non, je ne m'attendais pas à ça. « donc.. » donc, c'est terminé. fin de l'histoire. c'est avec les yeux humides et les mains tremblantes, que j'ai envie de te crier très fort que je te déteste. « donc.. c'est terminé.. » je sens son regard contre moi, mais le mien reste évasif. non. non, je ne l'affronterai pas. je te déteste. je me déteste, surtout. « donc.. aurevoir.. » je me retourne, marchant vers la sortie. j'prends pas la peine de prendre mes affaires, de prendre mes souvenirs, ou ni même mon chat. je ne veux plus de rien. rien du tout.

je suis enceinte.

avant que tu ne partes, avant que ce livre qu'on écrivait se ferme et disparaisse dans la poussière d'une vieille boîte, des histoires d'amours qui se terminent en larmes. ce n'est pas pour le retenir, je veux seulement lui montrer qu'il y a encore un peu d'espoir pour nous deux, un espoir qui va grandir, pour lui montrer que nous ne sommes pas encore perdu, le bonheur est derrière cette porte shane, il faut seulement l'ouvrir, il faut seulement fermer les yeux et l’accueillir plutôt que de le combattre.

il est de toi avant que tu me poses la question, il vient de la seule fois où tu m'as embrassé, que tu m'as touché, que tu m'as fait l'amour. et tu étais saoul.

je souris de tristesse, je souris de mal être, de mal aimer. je veux te donner cet enfant pour te montrer que tu es bon, pour me rassurer que tu vas rester ici, avec lui, que tu ne vas pas tenter de venir nous rejoindre, là-haut.

on s'est embrassé, il n'y a rien eu d'autre.

je parle, ce n'est que des mots, des mots sans sens puisque tu viens de le briser, je viens de briser de ce qui restait de son coeur, de briser celui que j'aime, de briser un amour qui existait encore un peu. c'est de ma faute cette fois, sid, c'est de ta faute depuis le début, dès le premier jouer où tu es allée parler à ce garçon à la garderie. c'était deux enfants, l'un était le miroir de l'autre, deux enfants, deux âmes-soeurs, deux âmes prêtent à s'aimer pour un nombre incalculable de temps. aujourd'hui, c'est deux âmes en peine, deux âmes près de la fin du temps. d'un temps. je me déplace, je vais devant cette porte, moi petite contre lui, moi petite contre tout ce qui arrive.

c'est pas la fin, s'il te plait.

ne part pas.

mes pas cessent au moment où ces nouveaux mots sortent de sa bouche. j'veux pas savoir que t'es enceinte de ce mec, sid. il ne reste donc plus rien, à mon monde. elle va vivre ce truc avec quelqu'un d'autre. faire sa vie avec quelqu'un d'autre. il va prendre ma place, puis moi j'vais disparaitre. adieu, aurevoir. elle ouvre la bouche pour ajouter autre chose. j'sais pas si c'que je ressens, c'est un soulagement ou bien si c'est pas plutôt l'inverse. cette soirée, je m'en souviens à peine. en fait, j'croyais pas qu'on s'était rendu là. je suis muet. peut-être aurais-je préféré ne pas être au courant. j'aurais pu partir, loin. essayer de me refaire une vie, du mieux que je peux. être en colère n'est pas une expression suffisante pour décrire c'que je ressens actuellement. « et toi, t'étais saoule aussi? on s'est protégé, ou pas? » questions qui pouvaient sembler banales, mais pour moi, elles avaient beaucoup, beaucoup d'importance.

no one ever said it would be this hard. un baiser, donc. il n'y a rien eu d'autre? j'ai beaucoup de questions, dans tous les cas. « pourquoi ne m'as-tu pas laissé, plutôt? » respire. « qui c'est? d'où il sort? tu l'aimes, comment? » oui. j'avais encore la force d'être jaloux. j'étais tout de même soulagé de savoir que ce n'était qu'un baiser. bien que je n'ai plus la capacité de discerner ce qui me brise le plus, à travers toutes ces nouvelles. elle est devant moi, en me disant que ce n'est pas la fin. mon regard perce le sien. « si ce n'est pas la fin, qu'est-ce que c'est, donc? » shane, faudrait peut-être que tu te souviennes qu'elle est enceinte, de toi. « tu veux que je fasse quoi, sid? tu t'attends à quoi, de moi? »

elle me montre son alliance. non, ce soir, cette alliance ne change rien. soulagement, tristesse, une pincée de haine. sentiment contradictoire qu'est l'amour. c'est que j'sais plus, si tu es vraiment à moi ou non. dans tous les cas, je suis toujours à toi. mais je suis fatigué. je ne réponds pas, puis, elle me dit que c'est lui. lui. je ne comprends pas, sur le moment. puis, je me souviens de son visage effrayé qui me dit 'c'est lui'. ce soir-là, au bar. j'suis infiniment dégouté. ma bouche ne dit rien, mais mes yeux parlent beaucoup. « c'est une vengeance? » j'espère très fort qu'il a souffert, lors de notre bataille. « tu l'as vraiment embrassé? vraiment? t'as vraiment embrassé ce type? » ne t'emporte pas, shane.

elle dépose mes mains contre son ventre, puis me dit des mots. à quoi tu joues, sid? est-c'que tu joues, seulement? c'est que, je ne peux pas m'enfuir, prendre une sortie de secours, comme je le fais toujours. je suis là, visiblement très mal, les mains contre son ventre. je dois dire quoi? je dois partir, je dois rester? à l'usure, je ne sais plus ce qui est moralement acceptable. à l'usure, je ne sais plus comment penser. je ne voulais pas que tu tombes enceinte. je ne veux pas de cet enfant. je pose mes lèvres contre sa joue. je retire tranquillement mes mains, mais je ne pars pas. au contraire, je me retourne, puis me dirige vers le réfrigérateur, dans lequel je prends une bière que je décapsule. je me donne l'impression d'être sérieusement atteint par la folie. je me dirige vers la salle de bain, je ferme la porte, je m'assois par terre. ça va faire l'affaire, pour la prochaine heure. je cale cette bière, bien qu'elle ne me fera aucun effet. j'ai chaud. panique. énorme moment de panique. puis il y a ces larmes, qui ne finissent plus de couler.

je ferme les yeux au contact de ses lèvres contre ma joue. ses mains qui quittent mon ventre, ses mains qui tiennent une bière. je te dis au revoir shane, pour une dernière fois. tu n'as pas compris, je te pardonne. alors qu'il ferme la porte, je marche vers elle, je m'appuie, front, mains, tout mon corps.

j'ai compris, il n'y aura plus d'enfant, je vais lui dire adieu, ne t'en fait pas. je ne vais pas te laisser avec un bébé que tu ne veux pas et je ne veux pas le laisser seul.

meurs sid, meurs à l'instant.

je vais partir, je vais disparaître, tu peux tout garder, tu feras le ménage, tu me jetteras aux ordures comme le reste de mes choses. merci de m'avoir aimé, de ne pas m'avoir abandonné pendant toutes ses années, je t'aime. tu pourras te dire que je suis partie ailleurs, comme quand je suis partie sans rien dire à personne, je te laisse boule, je te laisse cette bague.

c'est tout, pas d'adieu, pas d'au revoir, on va se retrouver un jour, peut-être. non, j'en suis certaine. je glisse ma bague sous la porte. je quitte cet appartement, je quitte cette vie, laissant mon coeur là-bas.

elle parle. je n'écoute pas. quand même y mettrais-je tout mon esprit, je n'y parviens pas. j'entends quelques mots. ils sont suffisants. seulement, je ne veux pas parler. je ne suis plus capable d'en prendre. je suis saturé. je vois la bague, qu'elle glisse sous la porte. ce n'est pas suffisant pour me faire réaliser l'ampleur des dommages causés par mon silence. réalises-tu, shane, que tu as indirectement pris la décision de tuer cet enfant tout comme tu as causé la mort de callie? pourtant, je ne parle pas. je n'argument pas. je veux juste dire au monde entier, qu'ils peuvent tous et toutes aller se faire foutre. que vais-je ressentir lorsqu'elle franchira la porte? un sentiment de liberté? un sentiment de liberté conditionnelle? oui. tu es libre, de ne plus devoir faire d'efforts. la condition, c'est de la mettre de côté. elle, et toi-même. vous.

c'est terminé.

je ferme la porte. je quitte.