sous la douche, je me noie. j'ai l'impression que mon corps est eau, je suis transparente, je suis une invisible, noyée dans la mer loin du rivage. il y a ce mal dans le bas du ventre, ce mal comme si quelqu'un voulait sortir, je sens ce liquide contre mes jambes. mes yeux s'ouvrent, la panique est là, tout au fond de moi. je pleure, ne pleure pas sid ce n'est pas du sang, c'est l'arrivé d'un être.

SHANE !

edie n'est pas patiente, edie veut tout, tout de suite. j'ai cette peur de tomber, j'ai cette peur de la perdre avant son arrivé, j'ai cette peur de me perdre ou de mourir sans la voir. sans l'aimer. je sors de la mer, je m'appuie contre le comptoir, comme si ma vie en dépendant, comme si le monde en dépendait, comme si c'était un souffle coupé d'une auditoire. la porte s'ouvre, il est là, je m'accroche à lui. mon corps est de glace, mon corps de bouge plus, tu dois m'emporter shane, sinon, tu devras donner naissance et je ne crois pas que ça soit un rêve caché, un rêve secret.

elle arrive.

je souris. sourire de joie, sourire de bonheur, sourire d'inquiétude. aujourd'hui, sera le premier jour du dernier chapitre d'une vie, le commencement d'une fin, le commencement d'une autre vie. ma vie pour la sienne.

ça fait mal.

j'entre mes ongles dans la peau de ses bras.

j'suis tranquille, en train de regarder la télévision avec whisky. avec le temps, la vie commence à s'améliorer. parfois j'me dis que c'est parce que j'ai arrêté de fuir. fuir, c'est reporter le problème à plus tard. là, j'imagine que la blessure est en processus de guérison. ça fait encore mal. très mal, même, parfois. la différence, c'est que maintenant, il y a l'espoir. j'sors de mes pensées, puisque sid gueule mon nom. je me lève, puis j'vais direct vers la salle de bain. j'ouvre la porte, puis j'comprends assez rapidement pourquoi elle a crié mon nom. elle sourit, mais j'vois bien qu'elle panique un peu.

« ooooh.. je vois! » elle plante ses ongles dans ma peau, puis j'lâche un petit cri. « aaaaaaïe! » j'souris en même temps, j'trouve ça drôle, mais la vérité c'est que j'ai mal. je me détache tranquillement d'elle, puis j'prends une serviette pour la mettre autour de ses épaules. j'vais lui chercher des vêtements propres, puis l'aide à l'habiller. le tout, dans un laps de temps assez exceptionnel. oui, parce que ni vu ni connu, j'suis assez en mode panique moi aussi. « allez, viens. » je l'attrape par la main, puis j'la prends dans mes bras au moment de descendre l'escalier, parce que j'sais qu'elle aime pas trop. ceci-dit, j'prends mon temps, vraaaaaiment mon temps, parce que je suis effrayé à l'idée de l'échapper. nous voilà à la voiture, j'sais pas comment j'vais faire pour avoir une conduite sécuritaire. mais, encore une fois, un accident causerait ma mort psychologique. oui, je suis parano. « ça va, sid? »

je m'excuse du regard, je suis désolée de te faire du mal, mais la souffrance est trop grande, faut comprendre, c'est pire que de se casser une jambe, je crois, non, en fait je ne sais pas. il m'apporte des vêtements, je le trouve si beau. j'ai cette impression qu'il panique plus que moi, lui aussi va donner naissance à un bébé, sauf que lui, il ne va pas vivre la souffrance physique, peut-être psychologique. sid, tu délires. les escaliers sont là, devant moi. le pire obstacles à mes yeux lors de la grossesse, cette chose qui me terrifie. je sers le cou de shane si fort, je l'étouffe, je m'étouffe entre mes cris de douleurs et mes larmes près des yeux, elles vont tomber.

la valise de maternité et le banc pour edie, ON PEUT PAS PARTIR  ... OH BORDEL !

mes mains contre le tableau de bord, je sers les dents si fort. j'ai envie de mourir, je croyais que les contractions commençaient doucement. je vais donner naissance à un dinosaure, je vais perdre l'usage de mes deux jambes et de mon vagin dans cet accouchement. il ne revient pas, il est mort, mort dans l’appartement en tombant, mort écraser sous la valise et le banc, il est mort à cause de boule. il est mort parce que je vais le tuer s'il n'arrive pas à l'instant. il est là, avec tout je soupire de soulagement, je soupire d'impatience.

s'il y a une grand-mère qui traverse la rue, ne t'arrête pas, tu peux lui passer dessus.

j'essaie de rire, rire jaune, rire vert, rire arc-en-ciel ?

quand elle s'met à gueuler qu'on ne peut pas partir, j'ai l'impression qu'elle va mourir à l'instant présent. j'sais pas si je dois sortir du véhicule pour aller chercher ce qu'il manque, ou bien si je n'ferais pas mieux de rester avec elle et de bien m'foutre de la valise et du banc. je décide de finalement sortir de la voiture, j'monte les escaliers comme si ma vie en dépendant mais j'me plante dans le couloir. c'est que j'ai légèrement l'air idiot. j'entre dans l'appartement, j'capte au passage qu'on avait rien verrouillé, j'cherche la foutu valise puis le banc. c'est que c'est lourd. très lourd. je tente de ne faire qu'un voyage, pour pas perdre de temps. dans les escaliers, je galère un peu, mais j'y arrive puis j'entre tout dans la voiture. rien qu'à voir la gueule de sid à l'intérieur, je vois qu'elle s'impatiente.

« dans cette valise, t'aurais pas foutu de quoi vivre pour la prochaine année? parce qu'elle était vachement lourde. je dis ça comme ça, hein. » j'souris, puis devine que ce n'est pas le temps de blaguer. elle parle de grand-mère, j'ris aussi nerveusement qu'elle, puis je m'engage sur la route. j'dépasse pas les limites, ceci-dit. j'aurais trop, trop, trop peur de faire un accident quelconque. j'crois fermement que j'serai le pire père poule qui soit. les lumières sont longues. interminables, même. on arrive finalement à l'hôpital, je la prends dans mes bras puis l'amène à l'intérieur. on nous guide vers un médecin, des infirmières, et tout. en toute honnêteté, j'suis pas certain que j'suis à l'aise avec cette histoire d'accouchement. ceci-dit, je ne peux pas m'enfuir, haha. ils invitent sid à se placer sur un lit, alors que j'prends place sur la petite chaise juste à côté. ah, cette fameuse petite chaise, hein. « edie est pressée. mais.. pitié. ne me massacre pas. » si, parce que j'ai compris que j'allais devenir un souffre-douleur pour les prochaines heures.

je suis dans ce lit, l'infirmière m'accroche à tous pleins de fils reliés à des machines, je panique un peu, j'espère que tout va bien se passer, j'espère de ne pas transmettre le sida à edie à la naissance. je pleure. shane me parle, j'ai envie de lui crier de se la fermer.

ne me touche pas, ne me parle pas, ne me regarde pas, et tu vas être vivant et SURTOUT, n'essaie pas de me donner des trucs pour la respiration !

je suis en colère, mais ce n'est pas contre lui, je suis seulement incapable de supporter la douleur. j'ai chaud, j'ai mal, j'ai envie de mourir, je pleure de frustration, je me demande bien ce que j'ai pu bien faire dans la vie pour souffrir autant. je pense au moment où j'ai trompé shane, voilà, je me dis que c'est une bonne raison. l'infirmière arrive, elle me regarde l'entre-jambe, j'aime bien quand quelqu'un d'autre que shane va regarder à cet endroit, je me sens en confiance. tu veux peut-être un coup de pieds ? j'ai besoin de me défouler.

tu es déjà prête pour pousser ma chérie.

QUOI ?!

tu es ouverte à dix centimètres.

VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ? JE VEUX LA PÉRIDURAL, J'ACCOUCHE PAS NATURELLEMENT !

il est trop tard chérie.

je vois le médecin arriver dans la salle, je referme mes jambes aussitôt. il essaie de me rassurer. je le supplie de me piquer, de m'endormir, de m'envoyer en congélation, mais je ne veux pas vivre toute la douleur, je prends la main de shane dans la mienne.

bébé, s'il te plait, tu peux me tuer ?

sid me donne des instructions précis, j'sais pas si dois le prendre mal ou non, mais je m'exécute sans plus y penser. j'ai envie d'lui dire que je ne lui donnerai certainement pas de trucs pour la respiration, mais comme elle m'a clairement dit de me la fermer, je ne dis rien. j'trouve ça quand même difficile de la voir comme ça. mon côté égoïste m'dit cependant que j'suis heureux, très heureux même, d'être un mâle. puis, il y a cette infirmière qui lui dit qu'elle ne peut pas avoir cette piqure tant convoitée. sid énumère toutes les solutions possibles au médecin, puis j'fais la même. ceci-dit, le monsieur, il ne veut pas. j'lui lance des millions d'éclairs à partir de mon regard, mais rien n'y fait. je m'abstiens de tout commentaire.

sid me prend la main, et me demande de la tuer. lolilol. « sid, ça va bien s'passer, y'a beaucoup de femmes qui accouchent naturellement.. » j'suis pas convaincu moi-même, en fait. aussi bien s'montrer rassurant. personnellement, je vois pas pourquoi ces femmes accouchent naturellement. ceci-dit, j'vais me la fermer et jouer le rôle du copain rassurant. de plus en plus l'temps avance, de plus en plus elle tue ma main. tellement, que j'crois souffrir autant qu'elle. ok, non, peut-être pas. pas du tout. mais je souffre en silence. elle va clairement me la casser. mais non, shane. ils vivent tous ça, les petits-amis. JE VEUX LA PÉRIDURAL. (haha.) « sid.. comment te dire.. ma main.. tu sais.. » non. ferme-la. « laisse tomber. continue ma jolie. t'es capable. t'es la meilleure, même. »

le médecin ouvre tranquillement mes jambes. je tiens toujours la main de shane dans la mienne, j'ai besoin de lui. j'emmerde la poétique pour ce soir, je veux simplement tuer tout le monde dans cette salle y compris ma mère qui vient foutre son nez dans le cadrage de la porte. ce que dit shane, je ne comprends rien, je suis fatiguée et je n'ai même pas commencé à pousser encore.

t'as peut-être envie d'accoucher un gros caca, je suis pas certaine que tu vas survivre.

je me mets à rire fort, le rire termine en crie de douleur. il me parle de sa main, je lui lâche, il me dit de laisser tomber, mais secrètement, dans le moment, je n'ai pas envie de lui casser la main, ou qu'il doive se faire couper quelques doigts. le médecin me regarde.

sid, il est temps de pousser.

je tiens les barreaux du lit si fort, comme à mon premier manège. sid, tu peux y arriver, tu vas avoir droit au plus beau cadeau du monde après, tu vas avoir votre petite fille, votre petit bébé. trois, deux, un, c'est partie. on m'a toujours dit que pousser c'était pareil comme aller aux toilettes et laisser marcel sortir, je n'ai pas envie qu'un marcel sorte pendant l'accouchement, seulement une edie. je transpire, c'est insupportable, j'ai le médecin qui m'encourage au bout du tunnel.

je vois là tête !

juste ça ?! juste la tête ? si seulement les vagins mécaniques existaient. je me demande si après l'accouchement, si shane va pas trouver que c'est plus 'grand' qu'à la normal lorsqu'on va faire l'amour. sid, tu penses réellement à ça en ce moment ? je pense moins à crier de martyr comme ça. les minutes passent, j'entends un cri aigu, le médecin m'annonce que je peux arrêter, qu'edie est là. je regarde shane en souriant.

on doit tout de suite l'emmener passer des tests, elle va être à vous après, je vous le promets.

et moi, je m'endors.

non, en effet, j'crois pas que j'pourrais survivre si j'accouchais. non, en fait, je ne survivrais juste pas. j'admire sid, actuellement. très fort. et je l'aime encore plus au moment où elle lâche ma main. haha. j'ai l'impression de pouvoir respirer de la main de nouveau. le médecin dit qu'il voit la tête, puis il me fait signe. genre, signe d'approcher. eum. non? je me lève, très incertain. j'ai l'impression que le médecin me jugerait si je n'le faisais pas. alors, je regarde. je détourne le regard aussitôt, puis retourne sur ma chaise en regardant ailleurs. j'suis un shane traumatisé, désormais. j'comprends tous ces hommes qui tombent sans connaissance. j'dois ceci-dit faire mine que ce n'était pas si pire, mais j'crois que c'est pas possible. sid me connait trop. j'vais juste espérer qu'elle ne me porte pas attention.

un cri. c'est edie. sid me regarde, puis elle sourit. j'sais pas c'qui m'arrive, mais j'suis limite ému. je souris aussi, puis on me demande de couper le cordon. oh. c'est vrai. ça. je me lève de nouveau, vais vers le médecin qui m'indique ce que je dois faire. je vois la petite, et elle retient mon attention. malgré le sang et les trucs dégoutants autour. je repense au moment où j'avais voulu qu'elle avorte. quel idiot j'étais. je coupe le cordon, vu la tradition, puis je laisse les spécialistes s'occuper de la petite. je retourne auprès de sid, mais elle dort. je joue dans ses cheveux, puis lorsque l'infirmière dit que ce n'est pas terminé, je la réveille en passant ma main sur sa joue. « sid.. » j'souris, encore et encore et encore. « t'as réussi. t'es merveilleuse. »

je sens quelque chose de doux contre ma joue, quelque chose de chaud. ce n'est pas une mouche, j'entends la voix de shane m'appeler au loin. non pas tout de suite, je veux dormir. oh, attends, c'est quoi ce truc que je sens entre mes jambes ? j'ai l'impression de me faire vider. j'ouvre lentement les yeux, il est beau comme ça, il est beau tout simplement, je souris à son sourire, à ses compliments. l'infirmière me déconcentre, je lève alors la tête pour la regarder, je la vois tenir un truc gluant entre ses mains. je mets ma main devant ma bouche pour m'empêcher de vomir.

ta main, toujours vivante ?

je ris. edie ? est-ce qu'elle va bien ? quand est-ce qu'elle va revenir ? shane a pas coupé son cordon trop court et puis voilà, elle est en train de perdre du sang ? l'infirmière nettoie le tout, elle disparaît un peu de temps dans le couloir et je prends la main de shane dans la mienne, en mode, tu dois me rassurer.

tu crois que je l'ai infecté ? tu crois qu'elle va bien ? j'ai tellement peur.

et puis voilà, je pleure. je pleure et je ne sais pas d'où les larmes viennent. merde, je crois que je viens de faire pipi. je pleure encore plus. j'ai cette envie de me lever et d'aller voir de moi-même, cette envie de braver les interdits, mais je ne peux pas, je suis à moitié morte dans un lit plein de sang. c'est beau, j'ai envie de faire l'amour dans un lit comme ça, mon fantasme quoi. le médecin revient avec edie entre les bras, elle est propre, toute belle, si magnifique. je pointe shane du regard au médecin pour qu'il lui donne edie dans les bras. elle est là, endormi, dans ses bras. je pleure.

mes deux amours.

amoureuse que tu es sid.