UNIJAMBISTE (IKAI)

je me relève de mon lit pour essayer de quand même faire bonne figure, c'est une petite chambre, sans salle de bain et de cuisine, tout se trouve à l'étage. je me place les cheveux, je prends mes béquilles, car ma fausse jambe me fait encore souffrir et je descends pour aller attendre ojai à l'entrée. je prends une éternité seulement pour les escaliers, je suis trop obstiné pour prendre l'ascenseur. je me laisse tomber sur le banc et j'attends.

j'prends mes clés, mon portefeuille, puis j'me dirige directement à l'endroit où s'trouve ike. j'arrive pas à y croire, et j'ai juste l'impression qu'on m'prend pour un con, car c'est juste pas possible que personne m'ait dit. j'rentre dans le bâtiment, un peu en colère. pas contre ike, contre la situation. puis, j'le vois. une jambe. non, c'est pas possible. c'est pas possible. j'suis bouche-bée. j'vais m'assoir à côté de lui. on va mettre l'orgueil de côté, pour ce soir. « .. comment .. » c'est pas possible à quel point j'me sens affreux. c'est rare, que j'le ressens aussi fort. mon visage, il est décomposé. « .. comment tu vas.. ike? »

son regard change en me voyant. le même regard que je vois dans tous les gens que je croise dans la rue qui m'ont déjà vus avec une jambe en plus et non en moins. j'hausse les épaules. - c'est pas si mal, ça s'arrête un peu après mon genou, enfin, mon ancien genou. je réponds pas à sa question, parce que je crois sincèrement qu'il en a rien à foutre de la réponse. - maintenant que t'as vu que je mentais pas, tu peux repartir, bye ojai. je me relève difficilement, j'attrape mes béquilles, puis je vais me battre avec l'escalier.

il m'explique un peu, j'observe. puis, il dit un truc, j'm'en attendais pas. il s'lève, puis galère dans les marches. « ike, j'suis venu pour te voir. ce serait cool, de baisser les armes, pour genre la prochaine heure. »

- pas une seule fois tu t'es informé sur comment j'allais, t'as jamais demandé à papa, à maman, à jazz, ellie, ollie, aymerick, charles, dallas, carlson ou même à hubert. alors que moi, j'prenais constamment de tes nouvelles, TOI PAS UNE SEULE FOIS ! alors, non, j'vais pas baisser les armes pour que tu aies la conscience tranquille.

« tu veux entendre quoi? que j'suis désolé? j'suis désolé! J'SUIS DÉSOLÉ! ça t'va?! »

- je veux pas de tes excuses, tu peux aller retourner à ta petite vie et ça va parfaitement m'aller.

« ok, donc, c'est terminé à tout jamais, c'est c'que tu me dis? »

- on sera toujours des frères ojai, toujours des jumeaux, alors ça sera jamais totalement terminé.

« alors, tu pourrais accepter mes excuses, au lieu de me tenir tête. »

- c'est ça qui te fait chier ? que je te tienne finalement tête ? que ce soit toi qui soit dans le tord ? que tu peux pas me cracher un truc à la figure ?

« non, c'qui m'fait chier, c'est que j'm'excuse, pour la première fois d'ma sainte vie, et que tu t'en balances. »

- sainte vie, haha, elle est drôle.

« donc j'fous l'camp ou j'reste? parce que si j'fous le camp ce sera pour longtemps, ike. »

- monte, c'est la chambre douze, la porte est débarrée. je lui fais signe de monter pour m'attendre là-bas.

« t'as besoin d'aide? »

- j'en ai pas besoin, merci.

j'monte lentement, à côté d'lui. j'suis encore sous le choc. on s'retrouve dans sa chambre, j'le laisse s'assoir puis j'm'assois sur une chaise. « .. alors? »

j'aime pas qu'il reste là, mais je suis trop concentré pour pas mourir que je réplique rien. je suis essoufflé une fois que je suis assis sur mon lit. je prends une pause avant de répondre. - alors, quoi ?

« quoi de nouveau.. ? »

- je suis ici encore pour un mois, je suis en réadaptation pour apprendre à marcher avec ma jambe et après, je sors faire ma vie. et toi ?

« oh.. t'en as plus pour longtemps.. c'est cool..» je tente de sourire un peu. « rien d'nouveau pour moi. »

- ouais, après plus de six mois, c'était le temps je crois. j'hausse les épaules. - t'es toujours en train de coucher pour de l'argent ?

« si on peut éviter le sujet.. ce serait peut-être mieux.. »

- déjà que tu me dises ça, ça répond à ma question, merci.