colonie (Atchô)

Ma collègue me raconte ses aventures, des blagues qui déclenchent mon rire immédiatement. Les gamins autour de nous, c'est comme si je retrouvais un moment plus adulte en sa compagnie. Pourtant faire attention à chaque gamin reste une règle primordiale de notre contrat. Nous ne sommes pas censés en mettre à l'écart, ni même avoir nos préférences ou faire dans le favoritisme. Chacun doit recevoir la même dose d'amour, et même si je ne suis pas doué au sujet de l'affection avec des adultes, je garde un bon feeling avec des adolescents : je les comprends, je crois. C'est pourquoi je ne tarde pas d'apercevoir un gamin assis dans l'herbe, éloigné du groupe de jeu. Je cesse instinctivement de rire, préviens ma collègue puis me déplace jusqu'au môme qui semble triste. Je m'installe à côté de lui, dans une position assise tout comme lui mais de manière inverse, histoire de toujours garder un œil sur la troupe. "Atchô ? Qu'est-ce que tu fais tout seul ? Ça ne va pas ?"

ils font des groupes, mais ils veulent pas de moi, moi je suis rien. un moniteur vient me demander si je suis dans une équipe, je lui dis que oui, mais en fait, non, je suis avec personne parce que personne me veut. je regarde poney, poney est le seul qui reste avec moi, je crois qu'il s'intéresse à moi, je crois qu'il fait pas semblant, lui. mais il est occupé avec une autre, donc il s'intéresse pas à moi. j'arrache le gazon, je tape un peu du pied parce que la musique est bonne. tout le monde court et moi, je suis seul. poney, il est là. je n'ose pas le regarder. - ... parce que ... ils veulent pas de moi, tu peux partir ... et le gazon est bien.

Je ne sais pas ce qu'il a ce gosse mais il semble beaucoup trop timide pour faire partie d'une colonie. Il paraît à l'ouest, pas intégré parmi ses nouveaux copains. Encore des foutus parents qui ont très certainement voulu se débarrasser de leur gosse le temps des vacances, pour être tranquilles. "Moi je te veux dans mon équipe" Je suis censé ne mettre personne à l'écart et en vérité, Atchô est mon gosse favori. Il est justement assez spécial pour être véritablement apprécie par un mec comme moi. "Tu es à Londres, tu as de la chance je te jure. Tu crois que les gens de ton âge ont tous l'occasion de partir aussi loin ? Alors ne laisse pas d'autres petits morveux gâcher ton séjour ici". Je positive, comme toujours, tentant de trouver un moyen de le convaincre.

dans son équipe, mais il a pas d'équipe, lui. il est seul avec les plus grands, il surveille et c'est tout. moi, j'ai pas d'équipe parce que les personnes aiment les gens forts et je suis pas fort moi, moi je suis bon à rien, aussi. - ... t'as personne et ... on peut ... pas jouer deux ... non, on peut pas et c'est pas grave parce que, parce qu'il perdrait avec moi. j'aimerais être à la maison, à lire et écouter de la musique, oui, en attendant maman faire la cuisine, parce qu'elle aime la cuisine, mais maman est plus là, non. - ... ils ... me violentent, mais non, je peux pas dire ça, ils vont me détester, plus, plus. - ils ... c'est bien ... être seul, alors c'est pas grave. ok. oui.

Ce gamin a l'air paumé, ça aura presque un impact sur ma sensibilité presque inexistante en temps normal. J'ai l'impression d'être face à un môme de 12 ans mais je ne peux pas m'empêcher de trouver ça adorable. "Je suis un poney après tout, je m'incruste dans l'équipe que je veux." J'invite une règle bidon et délirante pour lui redonner le sourire et lui faire comprendre que s'il accepte de jouer, c'est comme si je lui promettais que je ferais partie de la même équipe. "Ils quoi ? Finis tes phrases, gamin." Je passe une main dans ses cheveux pour les ébouriffer, sans doute un petit signe de protection de ma part, comme quoi je suis présent et qu'il peut tout me raconter. "Non ce n'est pas bien parce que tu es triste. Mais si tu viens avec moi, tu verras que tu te feras beaucoup de copains. Ok ?"

c'est un moniteur, il peut, c'est tout. moi, je peux pas parce que je suis pas moniteur et moi, je vais me faire lancer des roches, parce que j'ai pas de pouvoir, je suis pas un super héros moi, je suis ... seulement le petit faible à qui ... on lance des roches oui. je suis différent et c'est pas bien la différence, non. - mais pas moi ... il aura le ballon et pas moi. alors. j'hausse les épaules parce que c'est ma réponse, c'est tout. poney, peut pas tout savoir, non, c'est pas un dictionnaire et pas un liseur de pensée. il me touche. je sursaute, personne me touche, je suis un microbe. - ... ils sont méchants ... ils vont rire et pas vouloir ... merci.

Je suis pas autorisé à laisser un gamin tout seul dans un coin, la seule condition soit qu'il déteste réellement le jeu qu'on leur impose. Sauf qu'il est tout simplement pas intégré et seul, alors c'est à moi de faire en sorte qu'il fasse sa place. "Tu peux en devenir un, dans ta tête." Je lui dis en tapotant un doigt su le haut de son crâne, avec un grand sourire enfantin. Je suis un peu un gamin des fois, moi aussi, j'ai un esprit un peu décalé par rapport à certains par moments. "Pourquoi ils sont méchants ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Ils rient de toi ?"

il me tapote et moi, je fais des hoquets parce que je sais pas rire. lire, mais pas rire. - ... je suis ... un escargot, pas un poney ... un poney c'est bien, les filles, elles aiment les poneys ... un escargot c'est pas mignon, pas adorable. je colle un peu mes jambes contre moi, je me cache, j'ai pas envie de répondre, parce que je peux pas et c'est rien. - je dois ... aller pipi ... je me lève maladroitement. un grand garçon me pousse et je tombe, mais c'est rien, c'est ok, parce que c'est lui et moi, je suis atchô. je vais à la toilette et je reste dans la cabine. ma musique et moi, c'est tout.

Il est étrange, je devrais demander à mon directeur si je peux consulter son dossier médical de plus près ; il doit avoir un trouble psychologique, ce n'est pas possible autrement. Mais j'adore ça, ça le rend spécial. "Moi j'aime bien les escargots" Je lui fais un clin d’œil pour le rassurer, de sorte à ce qu'il comprenne qu'il n'est pas détesté par tout le monde. Lorsqu'il prétend devoir aller aux toilettes, je ne peux pas le retenir plus longtemps. Sauf que j'aperçois un de mes autres colons le bousculer, sans trop savoir si c'est volontaire. Pourtant je suis obligé d'intervenir, je me dirige rapidement jusqu'au concerné et lui fait comprendre qu'il doit faire plus attention, qu'il ne doit pas recommencer, sinon il aura affaire à quelques punitions. J'ai ensuite juste le temps de voir l'autre gamin escargot disparaître par une porte, alors je le suis et toque fortement. "Atchô, c'est poney. Est-ce que ça va ? Il ne t'a pas fait mal ?" Voilà que je l'emmerde alors qu'il est en train de pisser...

je regarde mon genou. je crois qu'il a mal, il saigne, donc non, il ne va pas bien. maman me disait que les bobos pouvaient se guérir avec des baisers magiques, mais il saigne. mon genou va mourir ? je prends du papier toilette pour essuyer, mais ça déborde. je suis pas magicien, je peux pas faire disparaître le sang, non. - ... non ... il a ... il a fait mal à mon genou, mais pas à moi, non. je baisse mon shirt et je fais pipi assis parce que j'ai peur de faire pipi debout. papa dit que je suis pas vrai homme, je suis encore un bébé. je suce plus mon pouce. j'ai envie de lui demander, mais c'est pas bien demander, j'ai pas le droit de demander, c'est pour les bonnes personnes. - ... c'est bien, oui. je peux m'enfuir ? non.

Je comprends pas comment on peut mettre ce gamin en colonie, ça se voit pourtant que c'est loin d'être son univers. Il lui faut du calme, un coin apaisant ; ce n'est pas ici qu'il va trouver ce qu'il cherche. "Petit escargot, ouvre-moi. Je vais te soigner, okay ? Tu as rien à craindre ici, y'a que moi."

mon shirt et mon sous-vêtement sur le sol. oui, parce que c'est leur endroit, parce que les garçons eux, aiment bien baisser mes vêtements pour rire de moi. peut-être que c'est drôle, peut-être que poney va rire et être mon ami. non, il peut, il peut pas me blesser. j'ouvre, un peu, petit peu. - ok. je m'assieds et lui montre. - ... là, c'est là. je tape dessus, oh. je remets mon sous-vêtement, parce que, c'est gênant et que c'es plus bien, non.

Il finit par m'ouvrir, je constate qu'il a retiré son bas au complet. Il essaye de me chauffer, ou quoi ? Surtout que j'ai l'habitude de coucher à droite et à gauche, je suis en manque. Il tient à ce que je lui saute dessus ? Il remet son sous-vêtement, heureusement pour lui et me montre sa légère blessure. Il saigne quand même alors il ne faut pas que je tarde, c'est pourquoi je me dépêche de lui enfiler son short comme à un enfant de six ans. « Il faut qu'on te soigne, tu viens avec moi ? Grimpe sur mon dos, faudrait pas que tu te blesses en marchant et puis après tout... je ne suis pas un poney pour rien... » Je me mets dos à lui et m'accroupis, de sorte à ce qu'il puisse me sauter dessus.

short troué, et lui, le monsieur, il le relève parce que c'est pas bien avoir un boxeur, ou être sans vêtement, non, c'est pas bien et je l'attache. il va pas glisser et je vais pas tomber. - hm. il me montre son dos, un dos montagne, comme l'everest. je me jette sur lui et m'accroche. on fait l'avion ? oui, vroum. - ... on ... peut aller sans que ... que les autres voient ? ils vont être méchants.