y'a le bip constant de la machine qui crie au monde que mon petit coeur bat encore qui résonne dans la pièce, dans ma tête. mes paupières sont closes, ma respiration est saccadée. j'ai si mal, mais j'dis rien, parce que j'ai pas réussis à atteindre la lumière, à quitter un monde qui me rend malade. malade de méchanceté. j'aurais voulu tout fuir, partir, ne plus revenir. j'ai raté mon coup, c'est marla qui m'a trouvé. la pauvre. j'ai l'air morte même en respirant encore. j'suis si laide, comme ce monde de merde. j'entend la porte qui s'ouvre et, bien que je préfère ne plus rien voir, j'ouvre quand même les yeux. et y'a thad, debout devant moi, le pauvre. je sens ma lèvre trembler, les larmes me monter aux yeux. les bandages sur mes bras, mon lavement d'estomac. les pilules avalées et les lames qui ont coupées m'ont ravagées, j'suis si fatiguée. alors j'verse des larmes. - pardon... c'est pas méchant, j'ai plus la force de défier personne du regard.

je suis à la maison, j'essaie de réfléchir du mieux que je peux, mais je n'y arrive pas. il y a mon portable qui vibre depuis bientôt cinq minutes sans arrêt, mais c'est moi qui ne veut pas répondre. je regarde mon livre et puis la table où se trouve mon téléphone. je soupire, laissant de côté les études en prenant ma distraction. marla, la seule amie que je connais qui est proche de salem. je suis supris qu'elle m'appelle, mais je lui réponds. elle m'annonce quelque chose, elle m'annonce une chose qui est trop triste pour être comprise une première fois, alors je lui fais répéter. et quelques minutes plus tard, on me voit dans l’hôpital à marcher rapidement, cherchant sa chambre et je la trouve. salem est là, couchée dans son lit. je respire, mais j'étouffe, qu'est-ce qu'elle fait là ? pourquoi ? je me tiens toujours debout, je ne la lâche pas du regard jusqu'à ce que je croise ses yeux qui semblent morts. - pourquoi ? je me demande réellement, même si je connais sa réponse, même si je sais ce qui ne va pas et ce, depuis le début.

c'est si étrange, comme sensation. j'ai l'impression que tout est mort, mais que je respire encore. que la vie a voulu que je m'accroche. cette perle de marla est arrivée au bon moment, mais comment lui dire que j'aurais préféré qu'elle ne passe jamais ? est-ce que c'est égoïste ? je crois que oui. ça me fend le coeur, j'ai mal, si mal. je tremble et j'aimerais mieux ne pas croiser le regard de thad, sauf que ça reviendrait à regretter le geste que j'ai posé. je sais pas si je regrette... - parce que tout est si laid, thad... je peux pas arrêter les larmes de couler, j'ai mal à la gorge. j'essuie de mes doigts tremblants les larmes qui coulent à une vitesse folle sur mes joues blêmes. il est trop bon pour être dans cette pièce, il devrait être dehors, respirer l'air frais et vivre paisiblement. il devrait pas regarder mon corps qui a frôlé la mort. - j'voulais plus être laide, moi aussi... être laide intérieurement.

je regarde intensément la chaise dans le coin avant de la tirer pour venir près de son lit et m’asseoir. je n'ose pas la toucher de peur qu'elle se brise ou de peur qu'elle pleure encore plus. je reviens à la journée où je suis venu ici pour voir un corps sans vie, un corps d'une personne que j'aimais. et aujourd'hui, je vois le corps d'une personne toujours vivante et que j'aime. - je ne vois pas pourquoi tu es laide, t'as un caractère de démon, mais tu n'es pas laide. je t'ai toujours trouvé magnifique et au lieu de ... ma voix se brise, j'ai l'impression de dire c'que j'aurais du dire à anna si elle était toujours vivante. - je crois pas que tu sois au courant de la portée de ton geste salem ... je fais en sorte de ne pas pleurer, j'ai le coeur brisé. je vais prendre sa main dans la mienne et je passe tout doucement mon index sur ses bandages. - tu croyais réellement que c'était ça ? la solution miracle ? je ne vois pas ça comme du courage ou même comme de la lâcheté, je vois ça comme une chose cruelle.

il franchit la distance qui nous sépare pour venir s'asseoir près de moi. je le fais souffrir, je suis une petite personne cruelle et empotée, qui ne réfléchit pas - ou qui réfléchit trop - avant de commettre des actes parfois irréparables. je ne sais pas si je suis réparable. est-ce que thad m'aiderait à recoller les morceaux d'un coeur qui n'a plus envie de battre ? j'ai un caractère de démon, oui, comme il le dit. je le crois, je ne suis pas facile à vivre, alors pourquoi pas facile à mourir. la voix de mon seul ami se brise, j'ai l'impression de me faire réprimander par mon père, le seul homme qui arrivait à me remettre dans le droit chemin, aussi étrange fût-il. j'aurais pu le rejoindre six pieds sous terre, si tout s'était passé comme je l'aurais voulu. - je suis vr... vraiment désolée, thad... et je le suis, mais ce ne sont que des mots, ça ne prouve rien. même mes larmes ne prouvent pas tout. je suis horriblement égocentrique. je serre fortement mes doigts autour des siens, j'ai peur qu'il lâche ma main. - je n'pense qu'à moi et à mon envie de disparaître d'un monde qui ne me donne pas envie de vivre... je renifle, perdue dans les explications et les larmes. - chaque jour, c'est comme ça, ça reste dans ma tête, et puis je peux pas m'empêcher de penser que les gens que j'aime seraient bien mieux sans moi, parce que je les blesse. y'a que marla et toi, que j'aime, promis. oui, je t'aime, ça fait tout drôle. mais j'ai pas le courage de le dire, alors je reste silencieuse.

je fixe le plancher en l'entendant parler, j'essaie de la comprendre, j'essaie de comprendre ses raisons de vouloir arrêter de vivre et j'essaie de comprendre les raisons d'anna. et, je n'ai jamais compris pour elle, est-ce que je peux encore essayer pour salem ? essayer de la sauver de tout ça ? je le veux. - si je te disais que je ne voulais pas te perdre, si je te disais que ça me fait mal en ce moment juste là ? je suis là, à pointer mon coeur de l'index en la regardant dans les yeux. je peux plus me retenir, alors je me mets à pleurer, pleurer pour tout le monde, pleurer pour elle, pleurer pour toutes les fois où j'aurais dû le faire et que je ne l'ai pas fait. - c'est pas ça la vie salem, c'est pas que de noirceur, la planète n'est pas laide, ce n'est pas horrible ... je me lève pour aller fermer la porte et revenir prendre ma place initiale. t'avais qu'à me le crier que tu voulais partir, t'avais que me le crier dans le silence de ton mal. tout remonte à la surface. - j'veux pas te perdre toi aussi, t'es trop ... importante pour ça ... t'es trop belle pour partir ... tout le monde est trop beau pour partir, tout le monde ne comprends pas ça, parce que personne ne voit la beauté, personne ne voit la lumière pendant ces moments.

j'ai blessé thad, il a mal, il souffre à cause de moi. et tout mon être souffre à cause de mon esprit décalé, hors normes. mon esprit tout souillé de noir et de gris, jamais de lumière, sauf celle de marla, et puis la plus forte, celle de celui qui se trouve en face de moi et qui me tient la main. il a mal, et il se met à pleurer. il peut pas se retenir, lui aussi, parce que nos douleurs se complètent. je veux y croire, moi aussi, que la vie c'est pas que noirceur et douleur, je veux voir à travers ses yeux ce que moi, je ne peux pas voir. je veux m'émerveiller devant les choses les plus simples de la vie. - j'aimerais voir à travers tes yeux... je sens sa main se séparer de la mienne, je le vois qui se lève et puis, soudain, je suis prise de panique. il peut très bien vouloir m'abandonner là, à mon sort, parce que c'est ce que j'ai voulu faire, moi aussi. l'abandonner. mais il revient; il n'avait voulu que fermer la porte. il recommence à parler, il dit que je peux pas partir, que je suis trop belle. je voudrais tant le croire. tremblante, en sanglots, je cherche à nouveau sa main, parce que j'ai besoin de sa force. - je veux être comme toi, thad. et j'veux pouvoir me sentir belle, j'veux pouvoir m'aimer. et puis, peut-être en parallèle, t'aimer toi aussi. doucement, j'apporte nos mains serrées l'une dans l'autre contre mon coeur et je ferme les yeux, essayant de respirer convenablement. - merci d'avoir illuminé ma vie, même si je pensais être dans la noirceur la plus totale...

nos mains contre son coeur. il bat, il est toujours là. j'essaie de reprendre les larmes que je viens de perdre, mais non, je lui donne toutes ces larmes, car salem mérite qu'on pleure pour elle, elle mérite la beauté du monde, même si je sais qu'elle ne va pas en voir la couleur dans les prochains temps. je passe tout doucement mon pouce contre la peau de sa main pour tenter de faire un effet magique. je me lève, j'embrasse son front et je lui chuchote dans un souffle court que - je t'aime ... et je vais être là pour toi. je vais être avec toi jusqu'au moment où tu vas sourire à la vie, je vais être là quand salem le démon va se transformer pour salem l'ange. c'est ce qu'elle est un ange. et je te donnerais ma vision de la vie si ça pouvait seulement t'apaiser pendant un court instant ou pour toute une vie. elle vient de me donner un but de plus dans la vie, le but de la rendre heureuse, le but de la faire sourire, le but de la faire aimer respirer et se réveiller.

de son pouce il caresse le dessus de ma main et ce geste me rassure, il chasse la peur qui peuplait mes pensées depuis que je me suis réveillée dans cette chambre d'hôpital; la peur de vivre à nouveau, la peur de devoir à nouveau affronter un monde que je n'aime pas. maintenant, cette peur, elle disparaît. parce que thad est là, parce que sa main est sur mon coeur et qu'il le sent battre lui aussi. j'aurais peur, quand il ne sera plus dans cette pièce, parce qu'alors, tout ce noir embrouillera mon cerveau. il faut qu'il reste et qu'il chasse toute la noirceur, au moins jusqu'à ce que je puisse moi-même le faire. ma main se resserre automatiquement sur la sienne quand je sens ses lèvres contre mon front, son souffle contre mon oreille, sa voix chuchotée. je t'aime et je vais être là pour toi. il le dit, c'est bien réel, mais j'ai si peur. j'ai toujours peur et les larmes maculent mon visage blafard. - je t'aime aussi. c'est dit, voilà. j'ai rassemblé le peu de courage qu'il me reste pour lui avouer, parce qu'il mérite que je sois sincère, que je lui dise tout. dans ma poitrine, mon coeur bat rapidement, le mélange des émotions n'est pas chose courante pour lui. - tu crois que tu peux me donner le verre d'eau sur la petite table, là ? je pointe doucement le verre remplit près de sa chaise et je renifle. je n'aime pas lui demander des services, mais quand on joue avec la vie, on fait face aux concéquences.

je souris quand elle dit qu'elle m'aime aussi. j'ai l'impression d'assister à sa première déclaration d'amour de toute une vie et je trouve ça beau. je ne comprends toujours pas, je ne vais pas l'harceler de question, pas tout de suite, je vais seulement essayer de m'occuper d'elle, de la surveiller tous les jours, de voir à son bien-être. perdre une autre personne que j'aime, je ne crois pas que je serais capable de supporter. je prends une grande respiration. je ne lâche pas sa main. mon regard tombe sur le verre d'eau, je le prends entre ma main et je l'approche tout doucement près de sa bouche et je l'aide à boire. je ne tiens pas à ce qu'elle se force, qu'elle force ses poignets qui ont soufferts. quand salem termine, je dépose le verre contre la petite table et me retourne vers elle. - quand tu vas sortir, est-ce que t'aimerais venir à la maison ? comme si j'allais la laisser seule, comme si j'allais faire comme si elle allait s'en sortir seule. est-ce qu'anna m'en veut en ce moment d'aimer quelqu'un d'autre qu'elle ? j'ai le coeur qui me sert. - je fais bien la nourriture. j'essaie de la faire rire, j'essaie de la convaincre de dire oui et d'accepter de l'aide. même, si je sais parfaitement qu'elle va devoir rester ici un moment.

moi qui avait toujours refusé d'admettre que j'aimais thad, voilà que je lui avoue. salem la méchante qui dit des choses comme ça, c'est si rare. mais faut bien que le bon sorte, quelques fois. faut bien qu'il le sache, que son nom est gravé dans mon coeur meurtrit. je l'observe qui s'étire pour prendre le verre d'eau et sans me le donner complètement, il m'aide à boire. j'aurais pu lui dire que «ça va, j'suis une grande fille», mais non. il pense à moi, et bien que ce soit étrange à admettre, je ne suis pas seule au monde. - merci. je serre sa main un peu plus fort dans la mienne, bien que ça me fasse un peu mal à mon poignet. je m'en fiche, préférant l'écouter. je pleure encore, mon coeur se serre dans ma poitrine parce que j'me sens étrangement soulagée qu'il m'offre de rester chez lui après que je sois sortie de l'hôpital. au moins pour un petit bout de temps. je crois m'entendre rire une demie-seconde à sa remarque. - oui, j'aimerais bien... et là, j'y pense. - thad... tu sais si marla va s'occuper de moon ? c'est mon berger allemand, mon chien adoré. et j'me sens cruelle, parce que si j'étais morte aujourd'hui, il se serait retrouvé seul... j'me remet à pleurer. - pourquoi j'suis comme ça... pourquoi je blesse les gens ?

je ne lâche pas sa main, j'ai cette impression que tant que je la tiens entre la mienne, elle ne sera plus capable de partir, que je vais la garder avec moi jusqu'à la fin, jusqu'à ce que je lâche sa main. un souffle parcourt tout mon corps au même moment où salem accepte de venir vivre chez moi. - tu vas avoir ta propre chambre et tu risques de manquer d'air un peu avec moi. pire qu'un père, pire qu'un amoureux, pire que moi il y a quatre ans, pire que moi quand j'ai peur. moon. je pense à lui, j'essaie d'aller chercher dans mes souvenirs lointains si mon propriétaire acceptait les animaux. - s'il ne jappe pas trop, je crois qu'il pourrait venir lui aussi. et puis, je me demande ce que je vais faire lorsque je vais devoir aller travailler, l'enfermer dans sa chambre, un peu comme raiponce ? je ris à l'intérieur de moi, elle va passer par la fenêtre avec ses cheveux. salem, mon corbeau de bonheur. - une horreur de la vie je suppose. j'ai cette idée au fond de moi que je ne peux pas l'aider sur ce chemin, que je ne suis pas cette personne pour la sortir de cette noirceur, que c'est elle la clé de son bien-être.

si j'avais la force de sourire en ce moment, je le ferais, mais il est partie avec tout ce sang qui a coulé et ces pilules avalées. pour compenser, je lui sers fortement la main, même si ça me fait un peu mal aux poignets. avec la morphine, je ne ressens plus toute la douleur, sauf la lourdeur de mes sentiments qui pèsent lourd sur mon coeur meurtrit. - merci de t'occuper d'une loque comme moi. je lève la tête et croise son regard. j'espère qu'il sait à quel point j'ai mal, mais aussi à quel point je suis reconnaissante envers lui. je ne comprend pas ma tête, je n'comprend pas mon coeur, alors j'ai besoin de lui, j'ai besoin de thad. - moon est un bon chien, c'est promis... je vais quand même laisser le souvenir de bones et celui de mon père dans cette maison où j'ai tenté de m'enlever la vie. ils me manquent déjà. j'essaie d'essuyer les larmes qui maculent encore mes joues, mais c'est difficile. j'aimerais débrancher mon cerveau pour ne plus rien penser. - quand je sortirais de l'hôpital, on pourra visiter mon père ? thad, il comprendra. il sait que mon papa est mort, il est déjà venu, une fois, au cimetière. la vérité, c'est que cet être étrange que les gens semblaient fuir était mon encrage. mon père me remettait sur le droit chemin et après quatre ans à pleurer sa mort, cette dernière me hante toujours.