COGNEMENT. (ROHIM)

un cognement, deux cognements et ma tête qui cogne. l'appartement n'est plus silencieux, l'appartement n'est plus rêveur, l’appartement est venu caverneux de petits cognements contre la porte.

je me lève.
c'est roméo.
oh.

elle peut rentrer, elle peut manger, elle bouger et respirer. moi, je vais me coucher de nouveau, sans un mot. elle le sait, je ne parle pas. la vie est longue.

✧ **MESSAGE** : 59 ✧ **HERE SINCE** : 30/11/2014

il fait silence dans mon appartement. il fait bruyant dans ma tête. mon coeur fait des
ratés en pensant à ma vie passée. je n'me sens pas bien dans mon chez-moi. j'étouffe. je vais mourir. je grimace. je me lève et je sors. et je marche, et je marche, jusqu'à en faire des trous dans mes souliers.
je voudrais le voir.
mais lui, il ne veut pas vraiment.
je vais quand même jusqu'à chez lui et je tambourine à sa porte.
il vient ouvrir; il repart aussitôt.

- tu repars dormir ?

je sais que oui.
mais je demande quand même

- oui.

je pars, elle savait que j'allais partir. elle sait tout à ce qu'elle demande. je me couche dans le lit, sous les draps, sous le monde. je veux seulement retrouver mes rêves, retrouver mon monde. qu'elle fasse ce qu'elle veut.

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j'enlève mes converses, j'enlève mes chaussettes. je soupire, j'ai le coeur gros. je me dirige vers la cuisine et je me sers un verre d'eau. je reste silencieuse, j'ai juste envie qu'il me serre dans ses bras, juste parce que j'ai un gros trou dans le coeur et dans le ventre. je dépose le verre sur le comptoir, je laisse les minutes passer et je me dirige vers la chambre.

- bhim ? tu dors ?

je sens déjà que je l'énerve.

j'entends l'eau, j'entends ses pas, j'entends même sa respiration qui m'empêche de dormir. je tourne tout au tour de lit, j'essaie très fort, rien. sa voix résonne, j'ouvre les yeux.

- non.

je lève la couverture.
aller viens romeo,
c'est pas seulement pour faire l'amour, viens.

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je m'arrête près de la porte, j'attend que sa voix s'élève dans la noirceur de la pièce. il me répond et ça me fait tristement sourire. je m'avance doucement vers le lit et je retire mon short et mon t-shirt. presque timidement, je me glisse sous les couvertures. je le fixe attentivement; j'ai l'impression de redécouvrir son visage à chaque fois.

- dis, bhim...

je le dérange une fois de plus.

- est-ce que ça t'énerves quand je viens ici sans prévenir ? dis-le franchement...

parce qu'il connait mon corps et que je connais le sien, mais je ne connais pas son esprit et lui, il connait peut-être le mien. je n'arrive pas à te lire, ott.

- non.

c'est comme ça.
elle s'inquiète de tout.
moi de rien.
elle connait tout, je ne connais rien. romeo parle pour nous deux, pas seule, pour nous deux. parce que la parole ne me connait pas et je sais pas c'est quoi les mots. romeo est un contraire. je prends sa main, c'est tout. comprends ce que tu veux romeo.

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je retiens ma respiration pendant quelques instants et puis...

- ok alors.

... je retrouve mon souffle. et se serre très fort sa main dans la mienne. sans le vouloir, il est devenu un pilier. j'avais pas envie qu'il soit aussi important, qu'il soit trop là, dans mes pensées. mais c'est arrivé et j'ai besoin de me rassurer. de me dire qu'il sera là. au moins physiquement, les mots en moins. dans la pénombre, je trace de nouveaux dessins par-dessus ses tatouages avec le bout de mes doigts. je respecte le silence.

sa main, elle n'est pas la même. son coeur, il ne bat pas normalement romeo, elle ne va pas à merveille. je dis quoi, je fais quoi.

- hm ?

c'est tout. qu'elle dessine. ses dessins resteront, ils marquent ma peau.

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doucement, je me recroqueville près de lui. je dessine sur sa main, sur son bras, sur son cou. j'écris des paroles de chansons oubliées et poussiéreuses. et puis je l'entend, qui questionne à sa façon. j'hésite.

- je me sens vide.

et ça me fait peur, bhim. parce que j'aimerais mieux tout ressentir et sourire comme le soleil.

- pourquoi ?

il faut remplir le vide. peut-être qu'elle doit se faire remplir avec de la vie. avec des belles choses, ou des mauvaises choses, ou les deux. ou rien. les gens sont drôles. pas intéressants, drôles. mais pas romeo.

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- j'ai l'impression d'être seule, complètement.

et ce, depuis l'enfance. depuis la naissance jusqu'à l'âge adulte, où j'ai laissé maman toute seule avec ses montagnes de bières et ses drogues en tout genre. depuis ma liberté jusqu'à mon départ des états-unis. même ici, avec toi, bhim, je me sens seule. et c'est pas ta faute, c'est que j'arrive pas à me remplir de tout l'amour du monde. comment on fait, bhim ? on devrait l'apprendre à deux.

- t'es pas seule.

on est jamais seul. je suis pas seul, jamais. romeo est toujours là. ma mère aussi et mon poisson.

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- promis ?

j'ai peur que tu te volatilise sous mes yeux, c'est fou. je pose mon front contre le sien, je ferme les yeux.

- t'es mon seul ami...

parce que je ne vais vers personne.

- t'es tout.

je suis tout. elle est tout. nous sommes un tout. je peux pas comprendre pourquoi je suis tout, pour elle. non.

- ok.

je flatte sa joue. je touche son bras. c'est la seule chose que je sais faire. la toucher.
peut-être qu'il lui faut quelqu'un avec des mots, quelqu'un qui parle, quelqu'un d'humain. pas comme moi. moi, je suis un corps, c'est tout.

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je frissonne, c'est une tempête de tristesse dans mon corps tout entier. bhim, c'est le phare. il éclaire, il est là. c'est tout ce qu'il faut. ce qu'il ne sait pas, c'est que ses rares mots sont parfois teintés de toutes les émotions du monde. alors je souris tristement et je dépose sur ses lèvres un baiser.

- ok.

baiser froid. baiser chaud. je ferme les yeux. c'est de la douceur sa manière, c'est doux. je le sais, parce que romeo, elle ne sait pas être rude. pas dans ses baisers sous les rayons du soleil.

- romeo.

je dessine son visage d'un sourire, du bout des doigts.

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à sa façon, bhim, il me raconte des histoires. quand ses mains sont sur mon corps. quand son regard est sur moi. quand il ne dit qu'un seul mot. quand il ne dit que romeo. il caresse mon visage, il dessine des rayons de soleil avec ses dix doigts.

- merci.

de m'écouter quand tu n'en as pas envie. de rester là avec moi quand j'ai ce grand vide.
merci d'être toi et de m'en faire voir de toutes les couleurs.

je lui fais des cheveux plus chinois. je lui fais des yeux embrouillés pour lui montrer que le monde, elle ne devrait pas le voir si laid, qu'elle doit aimer ce qu'elle voit, petite romeo. romeo est mort par amour, romeo ne mourra pas d'amour, elle mourra les yeux fermés et aveugle.

- bien.

c'est une fille.
romeo.

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je dépose ma main sur la sienne, je l'observe, je le scrute pour que chacun de ses traits soient ancrés dans mon esprit. parce que j'ai peur, parfois, qu'il disparaisse, qu'il n'existe plus près de moi. romeo, ô romeo. pourquoi es-tu romeo ? je me le demande, je tourne cette question dans tous les sens, rien n'y fait.

- bhim ?

petit sourire.

- demain, on pourra m'acheter un poisson rouge ?

- ok.

un animal à nourrir, un animal à parler. le poisson fera plus de bulles que moi avec des mots. je laisse son visage tranquille, il doit respirer, un peu. c'est étrange, aimer la solitude avec quelqu'un.

✧ **MESSAGE** : 59 ✧ **HERE SINCE** : 30/11/2014

il dit ok et mon coeur chavire.
il fait ça, parfois, noyer mon coeur dans une mer de sentiments. c'est très spécial, c'est très étrange. je me sens inconfortable, mais bien. un mot à la fois et fait vibrer mon corps. doucement, il laisse ses mains s'éloigner de mon visage. je les prend dans les miennes, je couvre ses phalanges de baisers papillons.

- je pense que je vais l'appeler étoile.

- hm.

elle embrasse mes doigts comme s'ils valaient de l'or. ils valent que des bleus et des os cassés. j'aime pas, j'enlève mes mains. elles atterrissent sur mon ventre.

✧ **MESSAGE** : 59 ✧ **HERE SINCE** : 30/11/2014

et puis ses mains disparaissent d'entre les miennes, trop rapidement. et mon petit sourire disparaît aussi. même les plus timides de mes clients aimaient les doux baisers de la sorte. mais bhim, il est un être à part. il est pas un client attendant une lap-dance sensuelle. il est juste... bhim.

- est-ce que je fais mal les choses ?

- non.

je suis pas comme ça. romeo essaie, mais romeo ne réussit pas. c'est moi sans elle. et elle sans moi.