que moi sans toi, ça ne veut rien dire

(sunday, may 12^th.)

Ma main tremble lorsque j’ouvre doucement la porte de la chambre cent cinquante-deux. J’ai peur de ce que je vais trouver à l’intérieur, j’ai peur de voir l’état dans lequel Grayson s’est mis. Par ma faute. J’ai peur de ce qu’il va advenir de nous désormais. Je sens déjà la culpabilité commencer à m’étouffer lentement. C’est comme un goût amer qui se dépose sur ma langue, faisant remonter la bile le long de mon œsophage. Je dois faire un effort monstre pour retenir les larmes qui me brûlent déjà les yeux. Comment vais-je faire pour ne pas craquer ? Pour rester fort ? J’ignore où trouver le courage pour ne pas m’effondrer, là, tout de suite. Et quand je me retrouve alors face à mon fiancé, je me sens paralysé. Tétanisé. Mon sang se glace dans mes veines et j’ai envie de vomir. Vomir sur ce gosse qui est venu tout gâcher ; vomir sur cette situation intenable. Vomir sur cette salope de vie qui s’amuse à nous torturer. En silence, je l’observe sans pouvoir bouger. Je crois que je ne cligne même pas des yeux parce que ma vue commence à se brouiller. Et puis je plonge contre lui, le serre dans mes bras comme si je ne l’avais pas vu depuis des mois. Depuis une éternité. « Tout ira bien, je te le promets, je souffle d’une voix tremblante. Tout ira bien. Tout ira bien. On va s’en sortir, promis. Tout ira bien. » Mais je ne sais même pas qui j’essaye de rassurer – lui ou bien moi.

Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, comment j'ai atterri ici. Je comprends que j'ai été inconscient, notamment vis à vis d'Eliott que j'ai dû laisser chez une voisine pendant que je faisais mes conneries. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête à ce moment-là, je n'avais pourtant pas envie de mourir. C'était uniquement la douleur et le dégoût qui s'emparaient trop de moi, tellement que j'en avais décidé de les réduire en me faisant supporter une autre douleur physique. Je me répugnais, je me sentais sale parce que j'avais toujours tout gâché. J'attends pourtant impatiemment Aaron, profitant des minutes qui me restaient pour cacher le plus possible mes pansements avec le drap blanc. D'un côté, ça me fait un bien fou qu'il se déplace pour moi. D'un autre côté, je me dis qu'il va me faire plus de mal qu'autre chose en se rendant ici. Il ouvre la porte, je le vois culpabiliser, tracasser. Il me prend dans ses bras et mon cœur fonctionne à nouveau, montrant clairement que je dépends de lui désormais. Il m'est indispensable et c'est impossible de vivre sans lui. « Et comment veux-tu que ça aille ? », je lui demande en le repoussant pour qu'il ne soit plus contre moi. J'étais incapable de supporter cette situation et sa présence, ni même de le laisser rester. « S'il te plaît, pars, retourne chez ton collègue. », lui dis-je en détournant la tête, les larmes me montant aux yeux.

que moi sans toi, ça ne veut rien dire

Est-ce lui ou moi qui tremble ? Je ne sais pas. Je ne veux pas savoir. Je veux juste pouvoir remonter le temps, oublier un instant ce qu’il vient de passer. Revenir à hier, quand je ne savais encore rien de tout ça. De toute cette merde. Je me sens démuni, impuissant. Et quand le brun me repousse, j’ai la sensation que mes côtes écrasent mon cœur et mes poumons. Je ne peux plus respirer, j’ai mal jusque dans chacun de mes membres. Sa douleur est presque palpable, elle me heurte comme si je me prenais un train en pleine face. Je ne veux pas qu’il me repousse, tout sauf ça. Je ne compte pas l’abandonner, je ne compte pas m’en aller. Je dois me montrer fort. Il a besoin de moi. J’attrape doucement son visage entre mes mains pour le forcer à me regarder à nouveau. « Stop… je murmure avec douceur. Arrête ça. Je ne repartirai pas. Je suis là, je reste. » Je pose un baiser sur ses paupières, à peine esquissé comme si j’avais peur de le briser un peu plus. « On est ensemble dans la même galère. C’est un des principes du mariage. Et tu m’as demandé en mariage. Alors je ne compte pas te laisser. C’est toi et moi, Langlois. Jusqu’à ce que la mort nous sépare. »

Je ne parviens pas à supporter cette situation, je souffre de douleur comme si mon cœur allait s'arrêter d'une minute à l'autre, comme si je pouvais m'écrouler et tomber au sol d'un moment à l'autre, à tout jamais. Je ne sais pas comme réagir, je ne sais plus quoi dire, plus quoi faire. Je suis tiraillé par mes pensées, par les choix à prendre. Je ne comprends pas à quoi joue Aaron, il me torture plus qu'autre chose en faisant comme si je l'intéressais désormais. Il m'a abandonné hier et il le fera encore, alors j'aurais préféré qu'il parte tout simplement. Je ne suis pas capable de le regarder dans les yeux tellement je me dégoûte, tellement je me sens sale comparé à lui. Il attrape mon visage en posant ses mains douces sous mon menton, seulement je détourne toujours le visage. J'ai envie de pleurer, je suffoque, c'est difficile à supporter, c'est une épreuve dure à surmonter. « Arrête, je t'en prie. Repars maintenant. » lui dis-je avec difficulté tant la boule au fond de ma gorge se montre très imposante. Les larmes coulent doucement sur mes joues, je ne peux pas me contrôler. Comme depuis les dernières 24h, je ne cesse de pleurer.

que moi sans toi, ça ne veut rien dire

Grayson ne rendra pas les armes facilement, je le sais. Je le connais assez pou savoir que la partie ne sera pas aisément remportée. Mais je ne vais pas m’avouer vaincu de la sorte, aussi vite. J’ai l’habitude. Je ne sais pas où je trouve encore cette dose de courage pour continuer à avancer, à me battre mais je sais qu’il le faut. Notre couple, notre avenir en dépend. Je le sais. J’aimerais qu’il me regarde, j’aimerais arrêter les armes qui sont en train de couler le long de ses joues. D’un geste lent du pouce, je tente de les effacer. « Non, je ne repartirai pas. Parce que je veux être là. Là avec toi, là pour toi, je répète à nouveau comme si j’espérais que cela rentre enfin dans sa tête pour de bon. » Je m’assois sur le rebord du lit et attire son corps à moi pour le serrer à nouveau avec force. J’y mets tout mon cœur, tout mon amour. Je l’écrase peut-être un peu, je lui fais sans doute mal. « Je ne repartirai pas, je ne repartirai plus. Plus jamais. Je te le promets. Je reste avec toi, quoiqu’il arrive. » La respiration difficile, je me mets à sangloter doucement dans sa nuque. Je ne peux plus les retenir, les larmes coulent toutes seules désormais. « Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime… je me mets à psalmodier comme si c’était là une prière. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime… Je suis désolé. Pardon. Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime… »

Au fond de moi, je n'ai pas la moindre envie qu'il parte je ne sais où, j'ai envie qu'il reste près de moi mais c'est ma tête qui parle sans me demander mon avis, elle est un peu égoïste des fois. Mon cœur dit tout autre chose, mon cœur fond en entendant ce qu'il peut bien me dire. Il me prend encore une fois dans ses bras, me dit qu'il ne repartira pas. Je sens un souffle chaud contre ma nuque, ces je t'aime offrent à mon cœur des battements plus fréquents, des frissons partout sur le corps et un arrêt immédiat des larmes qui étaient en train de couler le long de mes joues. Je l'aime tant... plus que n'importe quoi. Pourtant, toutes ces sensations agréables sont mélangées avec l'écoute d'Aaron qui sanglote. Je le sens trembler contre moi, je le sens pour une fois perdre tout cet esprit combattif qu'il a habituellement. Je ne suis pas capable de supporter ses larmes, ce contact humide au creux de mon cou. j'ai vu rarement Aaron pleurer, voire même jamais, j'ai dû mal à l'admettre, à m'y habituer ; ça a même un effet direct sur moi, j'ai envie de l'embrasser, le prendre dans mes bras, le rassurer, lui faire n'importe quoi uniquement pour apercevoir un de ces sourires qui me fait tant craquer. Je m'écarte légèrement de lui, lui caresse la joue de ma main droite - je ne pense même plus à cacher mes pansements. « Je t'aime aussi Aaron, tellement fort. Maintenant sèche tes larmes et souris-moi. » Les perles salées ne cessent de quitter mes yeux pour rejoindre mes lèvres, je ne parviens pas à les arrêter, je n'essaye même pas de le faire. « Reviens à l'appartement... je t'en prie. » lui demandais-je entre deux sanglots, comme si ma vie en détenait.

que moi sans toi, ça ne veut rien dire

J’ai l’impression de m’effondrer, de tomber sans savoir à quoi me retenir. Je suppose que voir Gray dans ce lit d’hôpital encore une fois est la goutte qui fait déborder le vase. Je n’arrive plus à encaisser, trop de choses en même temps et pas assez de temps pour tout digérer. Je n’ai pas même le temps de respirer, de me remettre que je dois à nouveau me battre, affronter une de ces merdes qui nous tombent sur le coin du nez. Je crois que le Superman a perdu ses supers pouvoirs le temps d’une soirée. Le brun s’écarte à nouveau et je sers les dents pour m’obliger à reprendre contenance. Je ne devrai spas craquer, pas maintenant. Pas devant lui. Il a besoin de courage, de force – je ne suis capable de lui offrir qu’un visage miséreux et un peu plus de tristesse. Quand il me demande d’essuyer mes larmes, je lui obéis sans dire un mot. D’un revers rapide de la main, j’essuie mes joues ruisselantes et me force à respirer lentement. Je tente de sourire, je ne sais pas quel résultat cet effort donne – au moins j’aurais essayé. « Évidemment que je vais revenir à l’appartement, je réplique sans hésitation aucune. Je ne vais pas te laisser seul dans cet état. Je vais m’occuper de toi. » Tant pis pour mes réflexions, tant pis pour le temps en solitaire à réfléchir à notre situation. J’y penserai après.

J'aimerais le faire rire rien qu'un instant, ou même apercevoir le moindre sourire. Seulement, je ne sais pas comment m'y prendre sachant qu'ici tout nous ramène au malheur : mes blessures, notre situation, nos pleurs, cet hôpital. J'aimerais être capable de lui faire oublier toute cette peine accumulée ces dernières heures, alors je continue de caresser sa joue, je retiens mes larmes et l'embrase tendrement et rapidement. « Tu y étais presque. » lui dis-je en souriant à mon tour. Je parle du fait qu'il ait souris un peu tristement, un peu forcé. « Mais tu peux toujours réessayer. » l'invitais-je à recommencer. Je tente cette méthode pour apercevoir un sourire suspendu sur ses lèvres, je ne sais pas si ça fonctionnera. « Je suis désolé d'avoir fait ça... » Je parle du fait de m'être taillé les veines. Je le regarde cette fois, osant me confronter à son regard. Je vois toute la culpabilité dans ses yeux, je la lis même à l'intérieur. « Et ne t'en veux surtout pas mon chéri, tu n'y es pour rien. J'ai été con et inconscient d'agir de la sorte. »J'essaye de lui retirer ses mauvaises idées de son crâne, car je connais bien Aaron et je sais parfaitement que ses regrets sont actuellement en train de le ronger de l'intérieur. « Je pourrais jamais te remercier assez de faire ça pour moi. » Oui, car il agit de la sorte pour moi. Si rien ne s'était passé comme ça, il serait resté tranquillement chez son collègue pour réfléchir à la situation - peu importe nos tristesses. « Je te laisserai tranquille à l'appartement, je te laisserai réfléchir jusqu'à ce que tu me dises que c'est bon. Je dormirai sur le canapé si tu le veux, je pourrais partir de l'appartement quand tu en ressentiras le besoin, quand tu estimeras que tu as besoin d'être seul. Je ferai n'importe quoi pour que tu puisses penser à tout ça, faire comme tu le voulais. Je te laisserai le temps que tu voudras, le temps qu'il te faudra. » J'essaye de me montrer compréhensif, parce que je ne l'ai pas été du tout avec lui la veille.

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Je n’ai pas la force de sourire, j’essaye mais c’est encore trop dur. Habituellement, j’aime cet endroit – je m’y sens bien. Dans une telle situation, j’ai l’impression d’étouffer, de voir les murs se resserrer autour de moi. J’ai vu pourtant bien pire, j’ai enduré bien pire ici mais voir le tatoué en patient m’est juste insupportable. Pourtant je ne peux pas résister à son sourire doux et ses yeux qui redeviennent un peu rieur. « N’importe quoi, je fais un léger sourire sur les lèvres. » Sa bouche se pose sur la mienne, rapidement. Furtivement. Et j’ai des frissons qui dégringolent le long de ma colonne – c’est fou l’effet qu’il a toujours eu sur moi. Je détourne un peu le regard lorsqu’il me parle de culpabilité, de m’en vouloir pour ce qu’il vient de se passer. Je sais bien qu’il ne veut pas que je me reproche sa situation mais c’est impossible. Peut-être plus tard mais pas pour le moment. Il me faudra un peu de temps là aussi pour oublier. M’en remettre. « C’est normal que je sois présent pour t’épauler. Je suis ton fiancé après tout, je ris légèrement toujours avec cette sensation étrange au fond de la gorge lorsque je dis ce mot – fiancé. » J’en arrive à oublier la raison pour laquelle il est là. Je ne pense plus à cet enfant qui est venu ébranler notre monde, notre petite vie qui était devenue parfaite. En cet instant, il n’a plus aucune importance. J’y réfléchirai plus tard, je ne veux plus le laisser s’immiscer entre Grayson et moi. Mais c’est le brun qui revient sur le sujet, qui me propose de faire tout ce que je désire pour me laisser le temps de réfléchir et prendre une décision quant à cette situation délicate. Je souris tendrement, passant une main dans les mèches courtes. « Du calme, je tente de l’apaiser. Pour le moment, je vais m’occuper de toi. Je réfléchirai à ça après. Je n’ai pas envie d’y penser maintenant, tu es le plus important pour l’instant. D’abord, on s’occupe de toi et ensuite on réfléchira à quoi faire. D’accord ? »

Sa décision ne me convient pas mais je ne dis rien. Je préfère me taire car j'en ai déjà assez fait comme ça, je l'ai déjà trop torturé et tracassé. J'accepte son choix, de toute manière je dois faire avec. Pour lui. Parce qu'en m'aidant et me soutenant, je sais qu'une partie de lui parviendra à se pardonner pour ce qu'il pense avoir fait, autrement dit m'avoir poussé à me couper les veines. Seulement, je n'ai pas la sensation que je mérite qu'il prenne soin de moi, je n'estime pas être assez bon pour qu'il s'arrête à mon état psychique. « Tu n'as pas besoin de t'occuper de moi Aaron, je vais bien. » dis-je en tentant de sourire. Je pense tout de même avoir réussi. Soudainement, je sens comme un grand besoin de le retrouver bien que cela fasse uniquement 24h que nous étions séparés... mais 24h de trop pour moi. Je n'ai plus envie de me séparer de lui, plus envie d'être loin de lui. Je n'aime plus cette sensation de manque, j'ai besoin de lui constamment. Alors je ne peux pas m'empêcher de me blottir dans ses bras en entourant son cou de mes bras, et de lui dire au creux de son oreille à l'aide d'un souffle léger. « Tu m'as manqué, ne repars plus jamais Aaron... tu m'entends.. plus jamais. » J'ai tout de suite le cœur moins lourd, je me sens bien. C'est fou comme je l'aime.

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Son semblant de sourire ne me trompe pas. J’ai eu à faire à ce genre de masque plus d’une fois et je sais très bien ce qu’il dissimule. Je sais bien ce que Langlois cherche à faire. Je le connais. « Je m’occuperai de toi, ceci est non négociable monsieur le tatoué, j’affirme à nouveau, le regard bien fixé au sien comme pour dire que je ne changerai pas d’avis quoiqu’il dise. » Il me connait asse pour savoir que je suis quelqu’un de têtu et que je ne me laisse pas faire, que je sais ce que je veux. « Laisse-moi au moins faire ça. » Il a beau me dire que je ne suis pas coupable, je sais bien que j’ai ma part de responsabilités dans cette histoire. Il ne serait pas à l’hôpital je n’avais pas réagi comme je l’ai fait. Je n’aurais pas pu prendre la nouvelle avec le sourire, mais j’aurais dû faire preuve de plus maturité. Je suis adulte après tout. La sensation du corps chaud et un peu tremblant du brun contre le mien m’empêche de penser un peu plus. Je passe mes bras autour de lui, accentue encore le contact entre nous. Sa supplique, comme un souffle, me serre le cœur et noue ma gorge. Comment pourrais-je le laisser ? « Je ne repartirai pas, je te le promets, je réponds sur le même ton. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, désormais c’est toi et moi jusqu’à la fin. » Je pose un baiser sur le haut de son crâne, comme pour sceller ma promesse.