(shamae) well, this is awkward.

j'écoute attentivement shane et puis lorsque j'entends edie crier derrière sa porte, je peux pas m'empêcher de rire très fort. - edie, si tu ne dors pas, je dois m'en aller. - NON, NON, D'ACCORD, JE VAIS DORMIR ! et puis c'est le silence complet. - tu as une très gentille fille tu sais ? le genre d'enfant que j'aurais voulu avoir.

edie est mignonne, mais cette situation est un peu gênante. néanmoins, mae rit, du coup j'suis soulagé. - je sais. elle est adorable.. quand elle veut. je tends l'oreille pour voir si edie réagit. ouais, c'était un piège. puis, j'souris en regardant mae. - j'suis étonné.. elle a obéit à partir du premier avertissement. j'souris de nouveau, heureux de constater que la petite ne nous espionne plus. enfin, je crois.

je prends une grande gorgée de mon lait au chocolat, en prenant soin d'effacer toute trace d'une moustache. - elle aime se faire aimer, elle a son caractère, une bonne partie du temps, ça vient des parents. leur modèle sont leurs parents, ils veulent leur ressembler. - ce sont les pouvoirs magiques d'une psychologue. tu étais comme elle, quand tu étais plus jeune ? une autre petite gorgée.

je m'arrête à penser à si je ressemblais à edie lorsque j'étais plus jeune. j'suis toujours porté à croire qu'elle ressemble plus à sid, mais au final, c'est vrai qu'on s'ressemble beaucoup. « j'étais hyperactif. terriblement hyperactif, en fait. edie aussi.. c'est le karma. » je ris. « et si, j'recherchais beaucoup l'affection. ou bien l'attention. ou les deux. mais edie est plus adorable que je ne l'étais. ça vient probablement de sa mère. »

peut-être que ça lui redonne un peu son coeur d'enfant en regardant edie agir et se comporter. - et comment était sa mère ? je lui souris gentiment, un sourire qui se veut doux, un sourire qui lui chuchote qu'il n'est pas obligé d'en parler. - je suis désolée de poser la question, on est pas au bureau. je rougis un peu, regardant ailleurs.

oh. quelle question. j'sais pas trop comment répondre sans que ce ne soit étrange, vu le contexte. « t'en fais pas. » j'fais un sourire qui se veut rassurant. « eh bien.. » moment de réflexion. « elle riait, souriait tout l'temps. elle était enfantine, dans le bon sens du terme. c'était pas possible, de pas l'aimer. c'est certain qu'on a vécu beaucoup de trucs ensemble, dans la dernière année. et donc, c'était plus difficile. elle m'a enduré, ce qui démontre une force de caractère plutôt incroyable. » rire. « et elle a donné de l'amour à profusion à edie jusqu'au dernier jour. »

je l'écoute parler, j'ai l'impression d'entendre la description de mon frère. - c'est ça dont il faut se souvenir quand quelqu'un part, pas les derniers moments sombres, ni les moments tristes, seulement les moments de lumière, qui font sourire. je me perds ailleurs. - tu sais, mon frère est mort à l'âge de quinze ans, d'une tumeur, comme elle. et quand je pense à lui, je pense à son sourire. je lui souris, à shane. trop de sourire pour un truc qui est dit triste.

je l'écoute parler attentivement. j'reçois un énorme choc à l'intérieur lorsqu'elle m'apprend que son frère est mort.. et lorsqu'elle spécifie qu'il s'agissait d'une tumeur. « j'suis vraiment.. désolé.. » je ne m'y attendais pas.

son regard change. - il ne faut pas être désolé, il ne voulait pas qu'on le soit. je joue avec le verre vide. j'hausse les épaules, car je sais que j'ai fait une erreur de parler de ma vie privée. - le processus d'acceptation est long, mais ça se termine quand on accepte de passer à autre chose, de tourner la page sans rien oublier de ce chapitre si je peux dire ça comme ça. un autre haussement d'épaule.

« j'crois que j'y ai peut-être trop cru jusqu'à la fin. pourtant, elle a toujours tenté de me préparer à ça.. mais j'refusais toujours d'en parler. » c'est la première fois que j'peux en parler à quelqu'un qui doit me comprendre à cent pour cent, en dehors de la famille à sid. « tu l'as accepté rapidement, toi? »

- et puis, tu as toujours l'espoir qu'il y a un traitement qui va apparaître et le sauver, que tu vas te réveiller un matin et te rendre compte que c'était qu'un mauvais rêve. j'ai tout pensé, j'ai tout imaginé, c'est quand même arrivé. - trois ans. les trois années les plus longues de ma vie.

« c'est exactement ça. » j'suis juste terriblement mal pour elle. personne ne mérite de vivre ça. « est-c'que ça a un lien avec ta vocation professionnelle? si c'est pas trop indiscret.. »

- un peu. un petit sourire. - je l'ai fait surtout pour m'aider, à comprendre, à l'accepter. je suis tombée amoureuse de mes études, entre temps, j'ai rencontré un gentil garçon, on a essayé d'avoir un bébé, je ne suis jamais tombée enceinte, il m'a quitté, je suis tombée amoureuse des enfants, me voilà, donc psychologue pour les enfants. je prends une petite respiration. - et je t'interdis de penser que c'est triste, parce que ce ne l'est pas. aucune pensée négative mae.

quand j'pense que sid est tombée deux fois enceinte, alors que ce n'était pas du tout prévu au programme. « tu m'sembles être une personne très optimiste. » et pourtant, on ne peut pas prétendre qu'elle n'a rien vécu.

- je dois l'être, pour en donner aux gens qu'ils n'en possèdent peu. je prends ma pose écoute, jambe par-dessus l'autre, mains contre les genoux. - et toi ? c'est quoi les moments heureux de ta vie ? peut-être que parler de ma vie va l'aider à parler de la sienne, peut-être que ça va l'aider tout simplement.

j'souris. le parfait contraire de l'égoïsme. les moments heureux de ma vie? j'fais mine de réfléchir. peut-être que j'prends pas assez souvent la peine d'y penser, à ces moments-là. « la naissance d'edie. mon mariage intime pas reconnu par la loi, parce que le temps et les circonstances n'étaient pas favorables à un vrai mariage. sinon.. quand j'ai eu mon chat. j'avais cinq ans. c'est le gros tas, juste là. il bouge plus vraiment, il est trop vieux.. et trop obèse. » je pointe whisky du doigt. mon compagnon de vie. vingt-six ans. il va mourir bientôt. « la première fois que j'ai entendu l'une de mes chansons à la radio. et quand edie chante. et quand j'ai été diplômé à l'université, malgré l'année de merde que j'avais eu, hahaha. et toi? »

lorsqu'il me pointe son chat, je remarque enfin, la grosse boule rousse couchée près de la fenêtre. je crois qu'il se sent observé, car il se retourne et nous regarde. il laisse échapper un miaule très rauque et se rendort. je fais un calcul rapide dans ma tête, ce chat a mon âge. - j'ai acheté ton l'album à la demande d'edie, elle me disait que tu avais la plus belle voix sur la terre et que tu étais le meilleur. tu chantes très bien, c'est vrai. je prends un peu de temps pour penser aux moments heureux. - quand j'ai gradué et eu mon diplôme de psychologie, quand j'ai emménagé dans ma maison, quand je suis tombée amoureuse, à toutes les fois qu'un enfant n'a plus besoin de moi parce que tout va bien, quand j'ai eu droit à mon premier poisson, quand mon frère m'a dit qu'il était fier d'être mon frère et quand ma mère m'a enfin avoué que c'était elle qui cachait les cadeaux sous le sapin, même si on savait tous que c'était elle. je ris.

ça m'fait étrange, de savoir qu'elle possède mon album. j'ris, en entendant l'anecdote. « sacrée edie. » elle continue, puis défile la liste de ses moments heureux. j'peux tout de même pas m'empêcher de me sentir mal lorsqu'elle parle des enfants qu'elle soigne. « ton premier poisson, hahaha.. il s'appelait comment? » sourire.

je commence à rire seule, en pensant au prénom stupide que j'ai donné à mon poisson. - tu sais, à l'âge de six ans, on est pas très doué pour les prénoms d'animaux. mon premier poisson s'appelait, poisson. j'étais une enfant très imaginative à l'époque. - il s'appelle comment ce vieux chat ? ce vieux chat nous regarde de nouveau.

je me mets à rire. « oh bah.. poisson. c'est original, je trouve. » clin d'oeil. « mon chat.. en fait.. » j'ris, et j'ai c'genre de sourire enfantin sur mon visage. « bah, c'est whisky. » tututuuuu. « j'devais pas être un enfant normal. au fait, mes parents étaient pas alcolo. » j'ris encore.

- t'es certain que tes parents n'avaient pas un penchant pour l'alcool ? où ne mettait pas du whisky dans ton biberon pour que tu t'endormes le soir ? je ris à mon tour.

« certain à cent pour cent. » j'me mets à rire. « j'sais pas où j'ai appris ce mot. j'sais même pas si j'savais ce que ça voulait dire. mais bon, j'aime toujours le nom de ce chat. et j'suis un peu fier du petit homme que j'étais, hahaha. »

- est-ce que tu aimes le whisky ? je l'écoute toujours aussi attentivement. en souriant.

« ouaiiis. mais j'ai dû arrêté d'en prendre parce que j'abusais peut-être un peu trop, parfois. » je souris, avec un p'tit air coupable.

- c'est peut-être à cause de ton chat que t'as commencé à en boire. je fais une tête de femme surprise en mettant ma main contre ma bouche. je ne peux pas m'empêcher de rire.

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