je le regarde faire et, quand même, je commence vraiment, vraimennnnnt à m'inquiéter. puis, il me panique à faire le tour de la pièce en rond, comme ça. j'aime pas ça. c'est trop stressant. et il redit mon prénom, il a l'air grave et on dirait que quelqu'un est mort. d'accord, je crois que la prochaine crise d'angoisse est pour moi. ahahha. je fronce les sourcils. hein? qu'est-ce qu'il raconte? pourquoi papa? qu'est-ce qu'il a, papa? il t'a jamais demandé de partir, vous vous êtes jamais engueulé, je crois. pas vrai? je crois que je devrais me taire et l'écouter.

wow. j'ai. j'ai l'effet d'une bombe devant moi, et dedans moi. je reste un long moment avec la boche un peu ouverte, les sourcils un peu froncés, sans rien dire. juste bête. pantois. wow. pardon? t'es pas.. sérieux? et puis y a plein de choses qui me viennent en tête, d'un coup. tout en même temps. plein de questions. mais j'dis rien, j'attends qu'il s'explique. ou je sais pas. j'en sais rien.

il me dit de n'pas le répéter alors, c'est qu'il ne blague pas. et sincèrement, j'aurais préféré qu'il blague. qu'il me dise qu'il m'a eu, que c'était pour voir la tête que j'allais tirer. mais non. tu me demandes de ne rien faire? comment tu peux me demander ça? COMMENT, ISA? calme, il faut que je me calme. que je respire calmement. j'arrive pas à y croire. je serre mes poings sur les cuisses. depuis quand, isa? pendant combien de temps ça a duré? je fixe le sol, la mâchoire serrée.

je garde les yeux par terre, et je finis par avoir les larmes aux yeux. non, en fait, je suis même déjà en train de pleurer, sans bruit. parce que tout mon monde s'écroule, et que j'ai mal. j'ai atrocement mal pour isa. comment t'as pu garder tout ça pour toi, tout ce temps? pourquoi tu me le dis que maintenant? on aurait pu partir, tous les trois, avec maman.

j'arrive plus à m'en empêcher. je n'sais même plus si je pleure de peine ou de rage. non, t'as pas l'air de comprendre. c'est très grave, et maman doit savoir. et maman va savoir, en fait. j'essuie mes joues rapidement et me lève d'un coup. je rentre à la maison. je vais tout dire à maman, on doit la protéger, isa. tu comprends ça? on sait pas.. on sait pas ce qu'il lui fait, à maman, et.. et les larmes me remontent aux yeux, je hoquette, un peu. je vais le tuer. je te le promets, isa. il va payer.

je me lève, je suis prêt à partir. j'y vais, je vais lui faire payer. comment, j'en ai aucune idée. avec mes poings. peut-être autre chose. j'sais pas, j'improviserais. mais il peut pas avoir fait ça à isa et s'en tirer aussi facilement. ça n'marche pas comme ça, non. mais isa se met en face de moi, avec ses yeux plein de larmes, et je le serre contre moi. fort, fort, fort. tu sais pas ce qu'il fait, isa. on n'sait pas, et dans le doute, on n'peut pas le laisser faire.. laisse-moi y aller. et s'il le faut, j'irais juste le frapper sans rien dire.

il se met à pleurer encore plus et moi, je le serre encore plus fort contre moi. je caresse ses cheveux, un peu. je voudrais juste le calmer. ça se terminera mal pour lui, t'en fais pas pour moi. je soupire, et puis mon estomac se tord en deux, en quatre, en dix, en jesaispascombien. c'est une douleur insupportable. en fait, je suis terrifié. pour maman. j'peux pas laisser maman seule.. et j'veux pas laisser isa seul, non plus. je suis perdu, j'sais plus trop quoi faire.

j'ai mal au cœur, j'ai l'estomac pile dans la gorge, et, pire que les larmes qui me montent aux yeux, j'ai la bile qui me monte aux lèvres. il me dégoûte, il me dégoûte, il me dégoûte. mais. non! ISA! tu peux pas m'empêcher d'y aller. et puis d'abord, il faudra bien que j'y retourne. et maman n'va pas comprendre pourquoi il vient la chercher, comme ça. qu'est-ce que ça peut faire, que j'aille voir papa? au contraire, ça va tout régler. en tout cas, dans mon idéal à moi, tout se règlera.

isa me parle comme à un enfant, il me gronde, m'empêche d'y aller et je le prends mal. je me vexe, en fait. parce que j'ai l'impression qu'il ne me croit pas assez grand pour y aller. je croise les bras sur mon torse. alors ce que tu veux de moi, c'est que je me taise? que je fasse comme s'il n'y avait rien eu, comme s'il n'était pas un.. un monstre? je serre les dents fort. c'est un monstre. c'est ça que tu veux, isa? tu t'attends à ce que je reste sage dans mon coin et que je considère encore papa comme.. papa? pourtant, il devrait savoir, isa. il me connaît assez pour savoir que c'est trop me demander, ça.

je l'écoute me faire son discours, et de me demander de ne rien dire, de ne pas m'énerver, ben.. ça m'énerve encore plus, t'sais. bien. je le regarde dans les yeux un moment, le regard noir. en fait, j'crois qu'au fond, j'ai juste une chose de brisée, j'suis juste très mal, très triste, mais je l'enrobe sous la colère. parce que j'sais pas comment gérer ça. je retourne m'asseoir au canapé, en silence. j'attrape ma bière et la finis d'un coup. j'dirais rien. mais moi, j'abandonnerais pas maman. j'compte pas partir de la maison tant qu'elle sait rien. je vais y rester, pour la protéger. moi. j'partirais pas lâchement, moi. et c'est mal ce que je lui dis, c'est très mal. mais j'ai mal. il dit qu'il a peur pour nous, qu'il veut nous protéger mais en vérité, il nous a abandonné. et si je lui en voulais déjà d'être parti, je lui en veux d'autant plus maintenant que je sais pourquoi, que je sais qu'il nous a lâchement abandonné avec lui.

shit. j'attrape ses clés et je reste bête. d'accord, j'aurais définitivement pas dû dire ça. c'était stupide, j'aurais dû réfléchir, avant. je soupire et passe mes mains sur mon visage. isa, c'était pas ce que j'voulais dire.. si, c'était un peu ce que je voulais dire. je me lève et puis le rejoins finalement. tu comprends juste même pas ce que ça m'a fait quand t'es parti. tu m'as laissé seul isa, seul. tout ce que je voulais, c'était être avec toi et t'as jamais voulu. et.. j'comprends juste pas comment tu peux dire avoir peur pour maman et moi alors que jusqu'à présent, ça n'avait l'air de rien te faire et là.. on dirait même que tu protèges papa de moi. j'comprends juste rien. rien, rien, rien.

j'vais m'énerver. et c'est pas beau, quand je m'énerve. « c'est pas moi, qui ait coupé contact avec toi, cruz! j'ai pas déménagé à l'autre bout du monde, non plus! tu vas t'en remettre, de cette histoire!? c'est toi, qui comprend rien! » protéger papa, haha. la meilleure. « tu connais rien, de papa. t'as aucune idée de ce qu'il a pu me dire. t'as aucune idée de rien. autrement, tu pourrais t'permettre de dire que toi t'aurais fait mieux. mais c'est pas le cas. alors ferme-là. »

il s'énerve et moi aussi, je commence à m'énerver. et la chose, c'est que c'est moi qui suis en tort, là. au moins, j'en ai conscience. ahahaha. not even funny. il faut que je calme le jeu. si j'y arrive. non, j'comprends rien. non, j'ai aucune idée. tu sais pourquoi? parce que t'as rien voulu me dire. mais j'crie plus. j'essaye de comprendre, en fait, qu'il a voulu me protéger en ne me disant rien. mais je vois juste qu'il ne m'a pas assez fait confiance pour me dire. et ça me blesse. je lui lance ses clés et vais dans la cuisine pour m'asseoir sur le rebord de la fenêtre, appuyé sur le rebord et les jambes pliées, pour fumer une cigarette. parce que j'veux pas partir. même si on s'est engueulé. j'peux pas le laisser. on doit juste se calmer, de toute façon.

j'reste là un long moment. puis, j'sors finalement de la pièce pour aller dans la cuisine également. « j't'ai rien dit, parce que j'te jure que tu veux rien savoir. » et si tu crois encore que tu veux savoir, eh bien tu te trompes. tu te trompes très fort. « parce que probablement que c'est encore bien pire de ce que t'imagines. » j'veux pas l'effrayer. j'veux juste qu'il prenne conscience que si je n'ai rien dit, c'était parce que j'étais moi-même très effrayé.

y a le silence. juste le réfrigérateur qui fait du bruit à côté de moi, et rien d'autre. j'écrase ma deuxième cigarette et puis isa arrive. j'suis capable de supporter du pire, dis-moi. j'en vois, tous les jours, des choses horribles. j'crois pas vraiment être capable d'entendre tout ça. mais j'essayerais. ça t'fera du bien d'en parler, isa. puis, ça le préparera à pouvoir tout dire à la police.